Pour Bénédicte
Difficile, difficile l’exercice… Une cinquantaine d’opus lus et parfois dévorés en cette année 2018, il faut essayer de faire un choix pour n’en retenir que dix…
Je me lance, désolée pour ceux que je n’aurai pas retenus, surtout que l’année a été plutôt enthousiasmante. A noter qu’il n’y a pas de hiérarchie ici entre les volumes cités. Il ne s’agit pas forcément de livres de l’année.
Sylvain Tesson : Dans les forêts de Sibérie (2011)
Au travers de ce pari fou, passer six mois dans une cabane au bord du Lac Baïkal, l’écrivain-aventurier nous livre de la beauté en forme de portrait de ce bout du monde glacé, traversé par les chaudes rencontres avec les autochtones, dont il célèbre la solidarité. Manuel de survie, livre contemplatif dans lequel l’auteur cherche à dépasser ses limites pour retrouver la magie de la nature, c’est un opus passionnant, de par sa sincérité et de par la capacité de Sylvain Tesson à mettre les choses en perspective.
Il m’a accompagnée en pensée lors de mon périple transsibérien de cet été.
https://rue2provence.com/2018/01/01/litteratures-sylvain-tesson-dans-les-forets-de-siberie-2011/
Jean-Philippe Toussaint : Made in China (2017)
J’ai plusieurs fois chroniqué cet auteur, un de mes favoris, pour la pensée originale et très subtile qu’il développe (tellement subtile que d’aucuns de mes amis n’ont pas du tout accroché, je vous préviens). Ici, c’est pour moi une apothéose, dans laquelle il tente de décrypter le processus a priori opaque de la création ; littéraire (c’est un écrivain), filmique (c’est un cinéaste). Je me suis trouvée en résonance immédiate avec ces pages, peut-être parce que j’avais lu avant sa quadrilogie sur Marie (« Faire l’amour », « Fuir », « La vérité sur Marie » et « Nue »), dont je ne peux que vous conseiller la lecture.
https://rue2provence.com/2018/02/12/litterature-jean-philippe-toussaint-made-in-china-2017/
Peter Handke : Essai sur le fou de champignons (2017)
De cet auteur autrichien, très connu, je n’avais rien lu jusqu’à ce jour… Et ce jour est venu et bienvenu ! Car c’est un livre à la fois sec et plein de beautés, dans les descriptions foisonnantes qu’il nous offre. Petit opus, il nous montre comment nous pouvons être rongés et portés à la fois par une passion, qui pourrait paraître minime, mais qui touche à l’universel.
https://rue2provence.com/2018/01/18/litteratures-peter-handke-essai-sur-le-fou-de-champignons-2017/
Eric Chevillard : Le vaillant petit tailleur (2011)
Eblouissante et drôlissime variation sur la fable du petit tailleur (vous savez, celui qui tue sept mouches qui lorgnaient sur son petit déjeuner et dont ce fait d’armes va faire peut à des géants, rappelez-vous la célèbre phrase « sept d’un coup » et si cela ne vous dit rien, relisez les Frères Grimm).
https://rue2provence.com/2018/02/15/litterature-eric-chevillard-le-vaillant-petit-tailleur-2011/
François Bégaudeau : En guerre (2018)
Véritable carottage de notre France de banlieue, c’est un roman à la fois spirituel et social, qui décrit minutieusement des réalités de notre quotidien en les ponctuant d’une dose d’humour un peu ironique bienvenue. J’ai adoré.
https://rue2provence.com/2018/09/05/litterature-francois-begaudeau-en-guerre-2018/
Svletana Alexievitch : La fin de l’homme rouge (2013)
Prix Nobel de littérature en 2015, cette écrivain biélorusse collecte des témoignages de protagonistes pour façonner ses livres à la manière d’un artisan, faisant converger les paroles autour d’un objet particulièrement emblématique de l’histoire soviétique. J’ai chroniqué sur mon blog « Les cercueils de zinc » (1990) sur la guerre d’Afghanistan vue par les proches des soldats envoyés là-bas et par quelques survivants ainsi que « La supplication » (1997), livre fort, très fort sur l’épisode dramatique de Tchernobyl. Un peu à la manière d’une tisseuse de récit, elle mêle et entremêle ces voix anonymes en autant de fresques tragiques, qui nous disent un peu du destin de l’humanité. Je n’ai pas chroniqué cet opus, absolument saisissant lui aussi, qui nous emmène dans le chaos provoqué par la chute de l’U.R.S.S., nous faisant toucher du doigt le désarroi de ces populations sous le choc, sans repères ainsi que les débordements qui s’en sont suivi (racisme tournant au pogroms, misère absolue et autres).
Je met ici les liens vers mes deux autres chroniques.
https://rue2provence.com/2016/02/05/litteratures-svletana-alexievitch-la-supplication-1997/
https://rue2provence.com/2016/01/08/litteratures-svetlana-aleksievitch-les-cercueils-de-zinc-1990/
Jonas Gardell : N’essuie jamais de larmes sans gants (2018)
Je n’ai pas (encore ?) chroniqué ce livre, qui m’a habitée longtemps pour deux raisons. D’abord, c’est un récit de la période confuse où les premiers homosexuels ont contracté le SIDA, sans que l’on ne sache vraiment de quoi il s’agissait ; chronologie très exacte de la découverte de cette maladie inédite, qui tue dans un avilissement inhumain les personnes qui en sont atteintes et provoque des mouvements de recul de la part de la société. Ensuite, c’est un livre ample et romantique, qui nous conte une très belle histoire d’amour de deux « débutants » homosexuels, en Suède, pris dans cette horrible tourmente. Long ouvrage, qui prend son temps (parfois un peu redondant, c’est la seule critique que je lui ferai) et ne cesse de le distordre en autant d’aller-retour entre le passé et le moment présent, il nous laisse une impression de plénitude douloureuse et de beauté triste.
Christian Oster : Dans le train (2002)
Cet auteur que j’ai découvert il y a quelques années, est un de mes fétiches. J’ai adoré « Mon grand appartement » (1999) et « En ville » (2013), celui qui m’a fait venir à lui. Ici, toujours dans cette veine qui étire le temps et fait de chaque petit acte une épopée, nous allons suivre la naissance d’une histoire d’amour improbable, qui se heurte à tous les obstacles minuscules du quotidien et à toutes les pensées qui traversent l’esprit du protagoniste et pourraient provoquer autant de déviances par rapport à la ligne principale du récit. Ce livre serait à la littérature ce qu’est le « Nu descendant un escalier » de Marcel Duchamp, quelque chose qui dilate l’espace et le temps pour nous en montrer tous les recoins. Dans lesquels se cache une belle histoire sentimentale, ici.
Je met ci-dessous les liens vers les articles que j’ai écrit sur d’autres oeuvres.
https://rue2provence.com/2015/09/02/litteratures-christian-oster-mon-grand-appartement-1999/
https://rue2provence.com/2013/02/20/litterature-christian-oster-en-ville-2013/
Forrest Gander : En ami (2008)
Absent de mon blog lui aussi, mais j’avais chroniqué le premier livre que j’avais lu de cet auteur, « La trace » (2013). J’aime l’atmosphère très particulière, pleine de sentiments multiformes de cet ouvrage, qui s’ouvre sur le suicide d’un personnage charismatique, géomètre en Arkansas (ce qui permet à l’auteur de l’ancrer dans une réalité quotidienne), entouré de personnes, homme et femmes, attirés par lui, qui essayent de tracer un portrait de cet être finalement insaisissable.
Ci-joint le lien vers ma critique de « La trace »
https://rue2provence.com/2017/02/21/litteratures-forrest-gander-la-trace-2014/
Et… Pour finir… Un (tout) petit panel de la littérature russe classique, dans laquelle je me suis jetée avec bonheur à l’automne. Je ne peux que recommander les ouvrages suivants :
Crime et châtiment (Fedor Dostoïevski), une descente aux enfers illuminée par endroits de quelques beaux portraits féminins. Livre de la pesanteur, où tout semble ramener le protagoniste principal, auteur d’un crime et torturé par lui, vers son Fatum (qu’il cherche malgré lui dans un chemin presque halluciné qui le conduira à confesser son acte).
Les âmes mortes (Nicolas Gogol), récit captivant et très ironique d’un homme (gentilhomme ? escroc ?) qui fait commerce d’âmes de paysans morts. Très prenant par ses descriptions précises et passionnantes des intérieurs et de la vie en Russie au XIXe siècle
Eugène Onéguine (Alexandre Pouchkine)
Très beau livre en vers, qui se lit d’une traite et raconte l’amour malmené. A lire, vraiment.
Merci Florence pour ces 10 titres… Formidable réservoir de bons moments pour les jours et mois à venir.