Littératures – Peter HANDKE : « Essai sur le fou de champignons » (2017)

peter handke

De ce très grand auteur de littérature allemande, Peter Handke, je crois n’avoir rien lu. Ou plutôt, je suis sûre d’avoir déjà lu quelque chose, mais sans aucun souvenir…

Et là, et là, j’ai été absolument saisie par cet ouvrage, ce petit objet physique presque insignifiant en tant que matière et qui pourtant contient une infinité de choses, presque indescriptibles…

Soit un homme, qui jeune garçon, va découvrir l’intérêt de cueillir des champignons pour gagner quelques sous ; il va faire ensuite sa vie, ponctuée de ces rencontres régulières avec ces seigneurs des bois, qui vont finir par presque absorber son existence.

Quel pauvre résumé je fais ici de ce livre merveilleux… Et tellement difficile à faire partager en dehors de la lecture elle-même (que je vous recommande bien sûr).

Car cent quarante pages, cela ne représente presque rien, même pour un lecteur occasionnel ; encore que je dois prévenir les futurs impétrants que se fait jour au coin de chaque mot une telle richesse qu’il est difficile de le lire vite. Il faut s’en imprégner, sans craindre de buter sur ces phrases longues et sinueuses, portant en elles une myriade d’incises ciselées et se déroulant comme une voluptueuse route offerte au lecteur. Amateur de lecture rapide, passe ton chemin !

N’attendez ici ni aventures à la pelle, ni péripéties dynamiques et enfiévrées qui vous feraient rebondir en total suspense de paragraphe en paragraphe (encore que…) ; encore moins effets spéciaux et cascades en tout genre (encore que…). Et pourtant, et pourtant… Ce livre contient une leçon de vie, pétrie de réflexions profondes, si profondes. C’est un « essai » (Versuch, dans le titre original) qui prend la forme d’un récit pour mieux nous dérouter et nous envelopper. Ce dernier nous dit la passion, ou comment une existence peut se laisser emporter dans une quête effrénée de quelque chose (ici les champignons) jusqu’à rendre le reste mat et sans importance ; le héros, dans les phases de sa vie où il est sous l’emprise de cette addiction, ne trouve la beauté que dans les forêts (magnifique opposition stylistique entre la description fourmillante des arbres et des sentiers et la presque platitude du monde alentour) et ne communie qu’avec ceux qui les peuplent momentanément, coureurs, chercheurs de champignons ou promeneurs.

Livre de maturité (qui n’a rien à voir avec l’âge, précisons-le), il véhicule une plénitude qui contient toute la beauté du monde et des hommes. Dans leurs travers, dans leurs errances, dans leurs emprises et leurs détachements successifs…  Portée par un style dont je n’ai pas toujours saisi les sous-jacents, qui dégage une magie bien au-delà de cette histoire a priori simple (alchimie de l’écriture ?), l’oeuvre ouvre sur de dimensions insoupçonnées qui nous touchent profondément.

J’ai bien ici conscience de mon incapacité à circonscrire cet opus, tellement inattendu ; ne m’en faites pas reproche.

Peut-on dire en janvier que l’on a déjà trouvé son meilleur livre de l’année ? J’aurais presque tendance à dire oui !

FB