Sam Peckinpah (1925-1983) est un réalisateur américain disparu de manière prématurée, en raison de son addiction à diverses drogues, réputé pour l’ultra violence de ses films (pour l’époque), et dont celui dont il est question représente peut-être l’apogée cinématographique.
Ouest américain, à la frontière du Mexique. Une bande de hors-la-loi, menés par Pike Bishop (William Holden) cherche des hold-up à réaliser, entouré d’une troupe uniquement soudée autour du profit. Se dresse sur son chemin Duke Thornton (Robert Ryan), lui-même mis en contrainte de faire barrage aux malfrats, sous peine de finir en prison. Nous allons suivre les péripéties de cette poursuite dans un format très long (presque 2h30), permettant au réalisateur d’alterner scènes héroïques de bataille et digressions presque lentes et paraissant comme improvisées à certains moments.
C’est un western désenchanté et crépusculaire, bien loin des oeuvres de John Ford par exemple. Ici, pas d’exaltation des valeurs traditionnelles (qui peuvent ressurgir à certains moments, mais un peu à la manière d’instincts), nous sommes dans un territoire livré à différentes factions, hors-la-loi américains, tyranneaux mexicains sans règles qui font la pluie et le beau temps, bien au-delà des serres de la justice. Ce sont les derniers soubresauts d’un monde qui se crée, dans la violence et l’absence de limite, et va laisser place à autre chose de plus ordonné, balayant bandits sans scrupules, chefs de faction et tout leur aréopage, fait de femmes faciles (malgré elles souvent) et de pistoleros à la gâchette prompte. Pour mieux souligner cette décadence, le réalisateur a fait appel à des gloires hollywoodiennes vieillissantes, William Holden (né en 1918), Robert Ryan (né en 1909) et Ernest Borgnine (né en 1917) qui incarne le bras droit de William Holden, alias Pike Bishop.
Ces contre-héros et leurs sbires se trouvent confrontés à un monde qu’ils ne comprennent plus, façonné par les révolutions industrielles et permettant de produire des mitraillettes, là où leur repère était le colt, et des voiture et trains, capables de surpasser leurs fidèles chevaux. C’est tout le processus de création des Etats-Unis qui nous est montré ici, le progrès implacable dans sa course mettant hors jeu les manières anciennes.
Les antiennes du western sont pourtant bien là, femmes, or, chevauchées entre hommes, armes, soirées amicales et arrosées, mais elles ne sont plus que des survivances, nous le percevons bien.
Et comme la révolution d’un monde à un autre ne se fait pas sans mal, nous sommes face à de la violence à l’état brut qui excède les limites non écrites du western traditionnel. Des femmes seront tuées, le massacre de la dernière scène est sans merci, les dépouilles des héros morts seront jetées et transportées sans aucun ménagement sur des chevaux ; aucune règle d’honneur, tellement en vogue dans le genre, n’est respectée ici. La scène d’ouverture, très cruelle, qui voit des enfants s’amuser de la mise à mort d’un scorpion par des fourmis rouges est comme un succédané de ce que nous allons voir : la lente agonie d’un monde, dans un assaut de violence inédit.
Pour la mise en scène, saluons ce long format choisi par le réalisateur, qui lui permet d’étirer certaines scènes jusqu’au maximum et de leur donner un format presque improvisé, ce qui nous immerge d’autant mieux dans cette histoire sans rédemption.
Excellent film, à voir.
FB