Chine – Quanzhou 泉州 (2024)

Voilà une ville pour laquelle j’ai eu un véritable coup de coeur, non seulement en raison de son esthétique (il y en a beaucoup d’autres qui sont magnifiques en Chine, comme Pingyao ou Datong par exemple) mais parce que c’est une cité où il ferait bon s’attarder, à la fois belle et vivante ; je voudrais ici vous la faire découvrir.

Située dans la province méridionale du Fujian, son nom, Quanzhou (« Préfecture de la source »), vient de l’époque où elle était préfecture (logique, non ?), qualité qu’elle a perdue aujourd’hui au profit d’une ville voisine, Fuzhou (福州 à ne pas confondre avec son homophone dans le Jiangxi 抚州).

Et pourtant, elle abrite un passé prestigieux, fondée en 700 de notre ère, c’était jusqu’au XIVe siècle, le premier port du pays pour le commerce avec l’étranger (« Zayton », son nom médiéval est dérivé de l’arabe), avec un développement continu lui permettant d’atteindre le chiffre de 500 000 habitants au XIIIe siècle (à la même époque, Paris, qui était la plus grande ville d’Occident, en totalisait 200 000 à peine). Nous pouvons y croiser les pas de Marco Polo, escortant une princesse mongole en route pour son mariage, et d’Ibn Battuta, deux des plus grands voyageurs du Moyen-Age et des marchands venus d’Inde, de Perse ou d’Arabie ont également laissé leurs traces dans cette ville chinoise plus cosmopolite que la moyenne.

Le très intéressant « Musée de la marine » donne des clés de compréhension de cette cité ancienne, l’un des plus grands ports du monde, au Moyen-Age, par lequel transitaient les parfums, épices et herbes médicinales venus d’autres mondes, en échange de fer, de bronze, de porcelaine, de livres, de laque, de thé et de tissus (Quanzhou était connue pour la soie).

Dans le Temple Kaiyuan, les mûriers qui produisaient des vers à soie

Ce dynamisme va décroître à partir du XVe siècle, sous la dynastie Ming, quand les empereurs décident de retirer la Chine du commerce maritime international.

Quanzhou a de nos jours cédé la place à Xiamen, la capitale régionale et s’est faite plus discrète, tout en conservant un patrimoine ancien et universel, reflétant le temps de sa splendeur maritime (listé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 2021).

La Vieille ville est empreinte de toutes ces influences venues d’ailleurs plusieurs siècles auparavant. La plupart des édifices sont d’anciens bâtiments administratifs, du temps où la ville portuaire florissait.

Bon, là d’accord, c’est très chinois, mais c’est beau !

Des maisons basses s’alignent le long des rues Zhongshan et Est/Ouest, ornées de fenêtres découpées, de balcons joliment encadrés de frises et surmontées de jardins étagés.

Comme un air d’Occident qui s’invite au coeur de la Chine

A flâner sous les arcades des rues commerçantes du centre, nous ressentons comme une liberté toute méridionale, avec une ville qui soigne autant ses extérieurs que ses intérieurs.

Avec ces forêts de scooters qui témoignent de l’affluence

Au carrefour des deux rues précitées se trouve un édifice mystérieux, dit « Tour de la cloche de Quanzhou« , bâti en 1934 par un architecte anglais, qui fait à la fois office d’horloge et (sûrement en ajout plus récent) de feu rouge.

L’un des endroits les plus célèbres et les plus photographiés de la ville

Même lorsque l’on s’écarte de cet axe central, le charme continue d’opérer, se perdre dans ces méandres de ruelles (en faisant quand même attention aux livreurs en scooter !) est une expérience magique.

Quand les ruelles s’étrécissent jusqu’à un point de non retour

C’est une architecture étrange, une fusion entre plusieurs univers, faite de constructions de brique ou de pierre, aux frontons ornés de frises contrastées et arborant de fiers pignons élancés.

Ce caractère oecuménique se retrouve dans les édifices religieux, la ville est ponctuée de temples bouddhistes qui m’ont rappelé ceux que j’avais vus à Taïwan ; cela tombe sous le sens quand on sait que la population chinoise émigrée à Taïwan vient en grande partie du Fujian.

Les plus célèbres sont le Temple Kaiyuan, bâti en 686, le plus grand temple bouddhiste du Fujian, le Temple taoïste Guandi, construit sous la dynastie des Song (960-1279) où les fidèles viennent chercher bonheur, richesse et prospérité, le Temple Tianhou, lui aussi bâti sous les Song et dédié à Mazu, la Déesse de la Mer dans la Chine du sud, un autre temple taoïste, dédié à Confucius (976), qui s’organise autour d’une magnifique pièce d’eau centrale. Et enfin, niché dans une colline avoisinante, le Temple Shaolin du Sud, fondé sous la dynastie des Tang (618-907) par un moine guerrier venu de la Province du Henan (la légende dit que l’on doit aux moines de ce temple d’avoir fortement participé à l’éradication de la piraterie).

Des arbres anciens dans le Temple Kaiyuan, bâti en 686
Et la Pagode Zhenguo (IXe siècle), même temple, sous la pluie diluvienne
La porte du Temple Tianhou
Les nombreux fidèles dans les volutes de fumée, Temple Guandi
De l’eau et encore de l’eau, Temple de Confucius
Un temple bien impressionnant, non identifié
Une vue plongeante sur la ville nouvelle, Temple Shaolin

Et je retrouve ici, accrochés aux toits ou enroulés autour des colonnes des temples, ces dragons majestueux et mobiles à la fois, dont j’ai fait la connaissance à Taïwan.

Frémissant de vie, en équilibre sur les hauteurs
Ou déployant leur force de pierre au creux des piliers

Si nous venons déjà d’avoir une belle vue d’ensemble de bien des religions locales (Taoïsme, Bouddhisme, cultes locaux de Guanyu ou de Mazu), la représentation religieuse à Quanzhou ne s’arrête pas là. Il faut parler du christianisme, encore très présent au travers d’églises qui parsèment la ville. Elles sont le plus souvent modernes, telle l’Eglise Quanan, située sur la rue centrale de Zhongshan et construite en 1863, les bâtiments anciens ayant peu à peu disparu.

De nuit
Et de jour

Terminons notre tour du monde des religions en citant l’un des plus anciens bâtiments musulmans de Chine, la Mosquée Qingjing (XIe siècle), austère et belle dans sa pierre grise.

Il faut enfin mentionner une dernière merveille architecturale, le cimetière musulman du Lingshan, où sont enterrés deux missionnaires du VIIe siècle souvent considérés comme des compagnons de Mahomet, ainsi que d’autres musulmans.

Humilité des tombeaux

Je ne peux que vous inciter à ajouter cette étape dans votre voyage au Fujian.

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