Voilà un livre vraiment intéressant. Sorj Chalandon, journaliste à « Libération » pendant de longues années, jusqu’à devenir rédacteur en chef du quotidien, puis depuis 2009 journaliste au « Canard enchaîné ». Il est l’auteur de maints ouvrages récompensés et sûrement à juste titre (c’est le premier que je lis et je ne vais pas m’en arrêter là).

Le 27 décembre 1974, au petit matin, un coup de grisou balaye la fosse minière de Liévin, tuant 42 des 90 mineurs descendus dans la mine ce jour-là. C’est la catastrophe la plus meurtrière dans les mines françaises depuis celle de Courrières en 1906 (presque 1100 morts, rappelons que le naufrage du Titanic a fait environ 1500 morts, la mémoire de ce faits divers est encore très vivace même en France, mais qui se souvient de Courrières ? Relativité du souvenir…).

Michel Flavent est le frère de Joseph, tué ce matin-là dans la mine. Il porte en lui, depuis ce temps-là, comme un poids qui comprime sa vie, le souvenir de son frère auquel il a érigé un mausolée et un désir de vengeance qui va croissant.  A l’orée de la soixantaine, il va passer à l’acte… Nous allons suivre le long cheminement qui le mènera vers son procès, avec l’appui d’une jeune avocate qui fera ce qu’elle peut.

Très bien écrit, sans affèterie, le livre est solide au point de vue de l’écriture. Ce qu’il faut pour soutenir son histoire, qui est le vrai sujet ici, le style au service du récit. Et sur ce point, nous avons à faire à un maître du suspense et des retournements. Ce récit a priori linéaire ne va cesser de se transformer en autre chose, nous déviant, nous autre lecteurs de quelque chose d’attendu vers l’inconnu…

Car après nous avoir installé dans un récit qui nous semble classique (et bien mené), d’un ressentiment qui monte, qui monte jusqu’à se transformer en vengeance, elle-même soutenue par une vie échouée dont le héros ne sait comment sortir par le haut, à part en faisant un coup d’éclat qui montrera sa fidélité à ce frère, mort trop tôt, qui a emporté sa vie à lui en même temps. En effet, à soixante et quelques années, tout se passe comme s’il effaçait sa vie antérieure, femme, maison et temps écoulé depuis, pour revenir à la tragédie originelle et s’y concentrer toute entière. Et il va alors dérailler, nous emportant avec lui dans cet épisode presque fou et nous allons comprendre que nous n’avions rien compris à ce personnage énigmatique…

C’est un livre surprenant qui m’a beaucoup plu.

FB