Cinéma – Yvan ATTAL : Le brio (2017)

le brio

 « Feel good movie » un peu acide parfois, « Le brio » met en scène une étudiante en droit de première année à Assas, Neïla Salah (Camélia Jordana) et ses relations tumultueuses avec son professeur, Pierre Mazard (Daniel Auteuil). Ce dernier, après avoir attaqué Neïla devant tous les étudiants avec des propos racistes, se retrouve contraint de l’entraîner pour le concours d’éloquence qui oppose les différentes facultés de droit, afin de se racheter.

Yvan Attal a beau ici avoir des intentions louables, brosser un portrait des Français d’origine maghrébine plus nuancé que d’habitude (notamment une très belle scène où trois générations de femmes brossent en quelques minutes un portrait de l’évolution sociale et culturelle : Leïla qui fréquente Assas, sa mère qui vit seule, dynamique et séduisante quadragénaire et la grand-mère habillée en costume traditionnel et qui s’exprime majoritairement en Arabe), loin des exagérations classiques dans le genre (banlieue, burqâ, etc.) et s’attaquer à un sujet spécifique et original, la langue française et le beau parler, il ne parvient pas à transcender la pesanteur de ces deux genres qui l’enferment : le « feel good movie » déjà cité et le film dit « de tradition française ».

Donnons quelques exemples de ces écueils non évités :

  • L’opposition somme toute assez classique de deux personnalités vraiment dissemblables et qui vont apprendre à se connaître et à s’apprécier
  • Le « happy end » inévitable, que l’addition d’une bonne dose de cynisme ne parvient pas à dévier de son chemin tout tracé
  • L’opposition un peu facile et manichéenne entre jeunes et senior, ceux qui savaient parler et lire et ceux qui font des sms à longueur de journée (même si le film essaye de transcender la question, il n’y parvient pas, ne faisant que s’y enfermer en produisant de nouveaux clichés sur le sujet)
  • La présence de Daniel Auteuil : le film de tradition française doit avoir une caution cinématographique sous la forme d’un acteur connu qui vient donner du poids à l’œuvre, par exemple Jacques Villeret dans « Les enfants du marais » (Jean Becker, 1999) ou encore Michel Serrault dans « Une hirondelle a fait le printemps » (Christian Carrion, 2001). Ici Daniel Auteuil en fait à sa tête, à la limite du cabotinage « parce qu’il le vaut bien ? »
  • Enfin, l’impossibilité de contourner le propos central du film, autour du racisme : tout se passe comme si, en voulant décrire une réussite individuelle, ponctuée d’incessantes notations qui confrontent l’héroïne à son contexte (avoir choisi Assas comme terrain de jeu offre un boulevard à ce type de clichés, la « maghrébine » opposée à ces « gosses de riches »), il renvoyait tous les autres à leur échec, les Mounir et semblables.

Tout cela conduit finalement à un film peu intéressant, malgré la présence forte de Camélia Jordana (qui a reçu le César du meilleur espoir féminin) et qui manque son but, sûrement, à force de s’enfoncer dans des formes toutes faites.

Dans le même genre, mieux vaut voir ou revoir « L’esquive » d’Abdellatif Kechiche (2003), qui nous décrit les clivages entre différentes strates culturelles et sociales françaises avec beaucoup plus de finesse.

 

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