James Salter (1925-1995) est un officier américain qui est également un écrivain, auteur de scénarios, de poésie et de romans, dont celui-ci est sans doute l’un des plus connus.

Nous allons y suivre la vie de Nedra et de son mari Viri, américains aisés vivant dans une belle maison en lisière de New-York, parents comblés de deux charmantes filles.

Ce roman présente plusieurs dimensions superposées, comme si l’auteur avait travaillé la profondeur de l’ouvrage, tout en laissant une surface lisse qui ne laisse rien soupçonner aux premiers abords.

Lorsque nous commençons à lire, nous sommes frappés par la profusion du vocabulaire qui dit la beauté et l’absolu. Des mots forts et des images pleines qui créent un univers « parfait », au sens du titre, où tout n’est « qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » (Charles Baudelaire, « L’invitation au voyage »). Tout événement, même infime semble relever du miracle, faire l’amour, recevoir des amis, cuisiner, voyager, discuter, voir ses enfants grandir, comme un équilibre iréel de conte de fée où dominerait la jouissance de toute chose qui passe. Même les quelques tragédies factuelles qui traversent les pages semblent s’effacer rapidement, comme rejetées en-dehors de ce monde idéal qui ne peut les intégrer. Et pour le lecteur c’est une jouissance à toutes les pages que ce morceau d’idéal en forme de livre.

Et pourtant s’ouvre rapidement une autre dimension, sous-jacente et entremêlée au motif principal. Car au-dessous de cette image de bonheur vivant se révèlent bien des fractures, des vagues à l’âme des protagonistes qui ne cessent, en même temps qu’ils en jouissent (ou qu’ils font tous leurs efforts dans ce but), de s’interroger sur le sens de la vie et ce de plus en plus au fur et à mesure qu’ils vieillissent. Leur belle existence, si magnifique, finit par ne plus laisser que l’ombre de souvenirs, même si des sursauts d’aspiration à la perfection viennent ponctuer leurs jours. Et si nous lisons le roman en ne gardant que cette grille d’analyse, nous nous trouvons devant une histoire finalement assez désespérée, avec son lot de ruptures, d’abandons, d’effacements en tout genre.

Et c’est ce qui est particulièrement intéressant mais également bouleversant dans ce livre, que je ne peux que recommander.

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