Belle et lumineuse idée que ce film en forme de contrastes, qui se déroule devant nous dans sa limpidité. Aux manettes, Agnès Varda, 88 ans, que l’on ne présente plus. Réalisatrice de films tels que « Cléo de cinq à sept » (1962), « Sans toit ni loi » (1985) ou encore « Les glaneurs et la glaneuse » (2000), elle a emprunté à la Nouvelle Vague (dont elle est une des seules représentantes féminines) une recherche d’authenticité et de vrai, qui fait contraste avec le cinéma classique. Cela l’a conduite à peu à peu se focaliser sur les gens, avec bienveillance et humanité, pour dire leur histoire, passant peu à peu de la fiction au documentaire. Et toujours avec ce ton direct et impertinent qui la caractérise.
Elle s’associe ici à J. R. artiste plasticien français de 33 ans, célèbre pour ses collages photographiques pleins de poésie qui font surgir du monde une beauté inattendue.
Et c’est cette paire d’artistes, improbable au premier abord, mais si complices dans leur volonté de ré-enchanter le monde, de le rendre aux personnes qui l’habitent, qui va mener l’attelage de cet objet filmique, dans une complicité franche, jamais démentie. Le choc des générations n’est ici qu’une théorie qui s’évanouit devant les liens qui unissent les deux protagonistes.
Bien sûr, quelques répliques ou échanges peuvent donner l’impression d’être empruntés, un peu gauches et artificiels ; mais que dire de la scène finale, cette rencontre « ratée » avec Jean-Luc Godard, qui se pare d’une émotion magnifique…
Et puis, toutes ces tranches de vie glanées ci et là, dans ce périple sur les routes de France, dans le camion/laboratoire qui révèle les gens à eux-mêmes en d’immenses portraits photographiques qui viennent s’intégrer aux murs ambiants. Comme un catalyseur, le passage de ce couple épris d’art et de sincérité, vient révéler les gens à eux-mêmes et à leur environnement. Qu’ils se mettent à parler du temps ancien, qu’ils se rejoignent pour un pique-nique dans une ville fantôme, qu’ils se rassemblent pour contempler une des oeuvres murales de J.R., ils refont communauté solidaire ; pour un instant, pour un temps plus long, personne ne sait… Nous pouvons imaginer que des traces subsisteront, si ce n’est sur les murs, au moins dans les consciences et souvenirs des protagonistes. Et cette idée est en elle-même absolument superbe.
C’est un film empli jusqu’à déborder de sentiments et de liens, sans affectation, juste la force brute d’hommes et de femmes qui se rencontrent ; « enfin », pourrait-on dire parfois…
Faisons une mention spéciale à Agnès Varda, cette femme incroyable, toujours au diapason de la société qui l’entoure, consciente de ses limites mais également de sa force, qui continue à aller son chemin en se souciant à peine du temps qui passe. Nous comprenons facilement ce qui a fasciné J.R. et l’a amené à créer cette oeuvre duelle en forme d’O.V.N.I. plein de bonté.
A voir absolument
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