Cinémas -Philippe FALARDEAU : Guibord s’en va-t-en guerre (2015)

guibord

Le mois d’août présente un avantage certain pour le cinéma : nous avons plus de temps pour en profiter et il n’y a pas tant de films que cela, donc une équation mathématique qui fonctionne bien et vous amène à faire des pas de côté vers des films que vous n’auriez jamais vus autrement.

Et je dois dire que la moisson 2016 est plutôt réussie pour moi jusqu’ici… Après « La vie est belge », « La tortue rouge » et « Sultan » (chroniqués sur ce blog), voilà un film atypique, réalisé par un Canadien et qui a pour sujet un député et son entourage, confronté à un dilemme politique concernant le vote qu’il doit faire sur un projet de participation du Canada à la guerre en Syrie. Sachant qu’il se retrouve au centre de l’attention du pays car son vote peut faire basculer la décision d’un côté ou de l’autre.

Steve Guibord, le héros de l’histoire, est un ancien champion de hockey sur glace, reconverti en politique, qui gère un district (dont les noms de villes – imaginaires- sont à eux seuls un poème : Prescott, Chute-à-Philémon, Rapide-aux-Outardes…) dans lequel il essaye notamment de pacifier les relations entre les camionneurs qui transportent le bois et les indiens Algonquins qui occupent le territoire concerné. Nous sentons que nous sommes face à un homme de conviction, qui se dépense pour essayer de faire avancer les choses, pragmatique et plein de bon sens. Au commencement du film, il se retrouve flanqué un peu malgré lui d’un stagiaire haïtien, Souverain Pascal, qui vient appliquer sur le terrain ce qu’il a lu dans les livres. Car il débarque dans ce lointain pays la tête pleine de Tocqueville, Rousseau et Diderot, tous penseurs politiques théoriques. C’est l’alliance du feu et de la glace a priori, et pourtant…

Ne croyez pas que nous sommes là dans un film grave et engagé. Non, c’est une oeuvre décalée dans tous les sens du terme. L’histoire, qui se laisse suivre assez bien (malgré quelques baisses de rythme, je dois avouer), est prétexte à humour et cocasserie. Par petites touches, le metteur en scène nous fait sentir que nous sommes un peu à côté, en permanence. Il faut voir par exemple le Premier Ministre prendre en otages ses hôtes en leur jouant une interminable sonate de Scarlatti, ou, toujours avec un brushing impeccable, commencer un duo de rock avec sa fille à la batterie.

Citons surtout l’excellente idée de « jumeler » le Canada et Haïti, car cela donne des scènes mémorables, quand Souverain « skype » avec sa famille, amis et plus, qui deviennent les plus grands supporters de Guibord, tout en donnant des leçons de politique fondamentale auxquelles nous ne nous attendions pas, un peu comme dans un monde inversé !

Citons également le jeu impeccable de Patrick Huard, en Guibord, celui d’Irdens Exantus, (quel joli nom !) en Souverain m’ayant laissée plus mitigée…

Film un peu foutraque, vraiment sincère, plein de fraîcheur et à l’humour très fin, il vaut la peine d’être vu, malgré les réserves que j’ai émises sur son rythme.

FB