Diana Krall, pianiste et chanteuse de jazz canadienne, qui se fait entendre depuis un certain nombre d’années est devenue une « tête de gondole » dans les magasins de musique et sur internet. Son nom est sûrement connu même des non amateurs de jazz. Elle a vendu 15 millions d’albums dans le monde depuis 1993, et pour son prochain concert à Paris, au Palais des Congrès, les places sont vendues jusqu’à 130 €. Nous pourrions applaudir, enfin un genre musical considéré comme un peu marginal, reconnu au grand jour avec une charmante ambassadrice. Pourquoi pas ?
J’ai donc décidé d’écouter cette star du jazz. Peut-être une nouvelle Ella Fitzgerald (que j’adore), ou Billie Holliday, puisque sa réputation semble être à la hauteur. Las, même sans prétendre égaler ces extraordinaires chanteuses, que tout cela semble plat et peu interprété, ce qui est un comble pour cette musique qui a pour fondement la ré-interprétation de standards. Une voix sans nuance. Elle enchaîne les notes sans y mettre aucun accent ni aucune chaleur, semble s’ennuyer et nous ennuie. Le côté voilé, qui doit sûrement faire « jazz » (poncif magnifique, écoutez Rickie Lee Jones et vous verrez) ne comporte aucune fêlure qui ferait naître l’émotion.
L’accompagnement musical est lui aussi bien neutre, sans imagination, du type lounge (cf. les compilations qui fleurissent autour de la musique zen teintée de jazz). C’est certes bien fait, au carré, sans aspérité. Mais où est l’émotion ?
Bref, nous sommes face, de mon point de vue, à un produit marketing bien rôdé, calibré pour plaire à la majorité. Un peu comme les coffrets de musique classique qui fleurissent, du type « la musique classique pour les nuls » ou « les plus beaux airs du classique – vu à la télé ». Plus généralement, avec ce type de démarche, il ne s’agit pas d’amener les gens à écouter autre chose, mais plutôt de tirer vers le bas pour vendre plus. Diana Krall a raison d’en profiter, comme je le disais pour Jeff Koons, puisqu’elle rencontre un grand succès. Mais interrogeons-nous sur ces mécanismes invisibles qui tendent à niveler la culture pour qu’elle ressemble à quelque chose d’acceptable par le plus grand nombre…
Un indice supplémentaire qui vient étayer mon propos :
Photo de l’album « Glad rag doll », 2012 : Diana Krall et Madonna, même combat ?
Je vous invite à quelques écoutes, d’abord une comparaison Diana Krall / Ella Fitzgerald / Dinah Washington pour « Cry me a river », :
Diana Krall :
Ella Fitzgerald :
Dinah Washington :
Et puis une chanson de Cole Porter, par une chanteuse que je trouve fort intéressante, Patricia Barber (« You’re the top ») :
Enfin, j’intègre, sur une suggestion très adéquate d’un de mes lecteurs, « You’ve changed » de Joni Mitchell :