Peintre allemand peu connu en France, que j’ai découvert à Berlin il y a une dizaine d’années, où une exposition lui était consacrée. Il est possible de voir des toiles dans la Alte Nationalgalerie de Berlin, en exposition permanente.
Issu d’un milieu modeste, obligé de travailler après la mort de son père, il se fait d’abord connaître comme illustrateur, puis gagne la célébrité comme peintre. Il est décoré de l’Ordre de l’Aigle Noir, la plus haute récompense du Royaume de Prusse.
C’est un peintre inscrit dans le XIXe siècle, à n’en pas douter, qui ressemble à tous les autres, tout en étant unique. J’ai lu par exemple qu’il s’apparenterait à Pissarro (peintre que j’aime moyennement et que je ne reconnais jamais). Mis à part le fait que les deux peignent la nature, qui n’est qu’un des multiples sujets de Menzel, je ne vois pas vraiment en quoi cette comparaison s’impose. Pissarro peint sans relief, Menzel transcende son sujet, en fait quelque chose de sculptural. Excellent dessinateur, il sait observer et rendre la justesse de ce qu’il voit, ajoutant souvent un côté dramatique, par le jeu des contrastes. A l’aide de la lumière et du trait, nerveux et précis, il sculpte la toile. Nous avons ainsi l’impression de regarder un moment en suspension entre ce qui s’est passé avant et ce qui se passera ensuite. Autant les toiles des peintres impressionnistes français m’apparaissent apaisées, dégagées du temps qui passe, autant celles de Menzel sont un équilibre menacé. Une tension les habite. En cela il me fait penser, style mis à part, à Félix Valloton.
Sur le plan des sujets, l’auteur est prolixe, il essaye tout. De la peinture d’un pied ou d’une main, intimiste, jusqu’à la fresque mettant en scène Frédéric le Grand ou un bal de Cour. Il peint la guerre, la nature, la rue, des portraits, des scènes historiques, des natures mortes. Se renouvelant sans cesse dans son approche, comme si chaque genre était pour lui l’occasion de regarde le monde d’un oeil nouveau. Il ne transpose pas un style prédéfini d’une oeuvre à l’autre, mis à part les constantes évoquées plus haut.
C’est pour moi un grand peintre, qu’il faut découvrir.
Ci-dessus, un aperçu de la large palette d’Adolphe Menzel : « Deux soldats morts dans une grange », « Le pied de l’artiste », « Intérieur avec la soeur de l’artiste », « Jardin du Palais du Prince Albrecht », « La soeur de l’artiste endormie », « Portrait de vieil homme », « Le cyclope moderne », « Escalier dans la lumière nocturne », « Etudes d’armures ».
Et peut-être ma préférée : « La chambre au balcon »
Bravo pour cet article, consacré à un peintre effectivement plus facile à découvrir à Berlin qu\’à Paris … J’avais moi même été frappée par son talent en visitant la Alte Nationalgalerie : je me souviens notamment de deux tableaux exposés face à face, qui exprimaient avec force toutes les contradictions de l’époque : ”Eisenwalzwerk” (1875) d’un côté, un très grand format donnant à voir l’enfer de la forge et du travail du fer ; ”Ballsouper” (1878) d’autre part, un tableau beaucoup plus petit, représentant les divertissements et occupations d’une élite toute en frou-frou, éventails et soieries. Dans le clair obscur rougeoyant de la forge, la sueur des uns s’animait d’un souffle épique, tandis que l’effervescence oisive des autres, illuminée par mille lustres et chandelles, était soudain rendue à sa juste proportion par les dimensions même du tableau, éclatant dans toute la vanité de ses occupations … Hasard objectif de l’accrochage ? En tout cas une scénographie permettant d’apprécier les qualités d’observation du peintre et la puissance de son style !