
J’ai parlé il y a peu des tests Covid-19 et je voudrais maintenant vous faire un topo sur le vaccin. Ne vous attendez pas à un article médical, non, vous en trouverez beaucoup sur internet, parfois très scientifiques et parfois douteux (méfiez-vous, toute crise fait naître de pseudo-scientifiques qui s’adossent à la peur des gens pour les convaincre de tout et n’importe quoi, l’Histoire nous a montré cela bien des fois…)
La Chine, dont est partie l’épidémie (même si nous assistons parfois à quelques tentatives pour réécrire l’Histoire, comme en ce moment pointer du doigt les produits surgelés venant de l’étranger, comme origine possible du fléau), agit comme si elle mettait un point d’honneur à se refaire une réputation dans le Monde (en Chine, une des plus grandes hontes est de perdre la face – 面子) en apportant aux autres pays des vaccins. Et elle se montre ici de plus fidèle à un de ses idéaux, venir en aide aux pays en développement, qui n’ont pas les mêmes ressources en la matière que l’Occident ; ce qui est parfaitement aligné avec la doctrine Communiste, souvenez-vous des Internationales socialistes qui aux XIXe et XXe siècle voulaient apporter le bien-être aux travailleurs dans le Monde. Elle a même un discours assez agressif sur ce point, s’inscrivant contre les pays occidentaux, qui réserveraient les vaccins pour eux-mêmes.
Notons que la Chine a eu besoin de pays étrangers pour tester ses vaccins, puisqu’elle n’avait pas assez de cas sur son territoire, d’où par exemple la fourniture de vaccins en Indonésie, au Brésil, en Turquie et au Bengladesh (Sinovac), aux Emirats Arabes Unis, au Pakistan, en Inde (Sinopharm), ce qui est une manière de commencer à remplir son objectif.
La vaccination a commencé dans le pays dès 2020, le Gouvernement, l’Armée et les Chinois qui devaient voyager pour des raisons officielles ou pour affaires ont été vaccinés avec l’un des vaccins disponibles, Sinovac, Sinopharm ou Can-Sino (ce dernier pour l’Armée). Et en 2021, la Chine a lancé une campagne de vaccination à une échelle inédite, espérant d’ici la fin de l’année un milliard de personnes vaccinées, ce qui lui permettrait d’avoir un taux de couverture de 70% et d’atteindre le seuil de l’immunité collective.
L’opération doit se dérouler en trois phases : d’ici fin janvier, vacciner les 9 catégories prioritaires, dont le personnel hospitalier, les employés des usines, les livreurs, les personnels ayant à faire à des denrées surgelées ( 😊), etc, soit 50 millions de personnes. Ensuite viendra la campagne de vaccination des employés et ouvriers, de 18 à 59 ans, entre février et avril. Et après, nous n’avons pas d’information sur le déroulement des opérations. Nous savons quand même que la Chine est capable de monter en puissance pour atteindre l’objectif, sans problème.
C’est ici un point de vue antagoniste à celui des pays européens, qui ont commencé à vacciner les personnes les plus vulnérables, notamment les personnes âgées. Ici, ce qui compte, c’est la production, les premiers concernés seront donc les travailleurs. Le principe du « Care », si cher aux pays occidentaux, s’occuper d’abord des faibles, cède ici le pas à un principe de soin des forces vives, qui me paraît être totalement en accord avec des principes Communistes. Attention, je ne dis pas que la Chine ne se préoccupe pas des autres, mais en période de crise, elle fait ce choix-là.
Tout cela paraît un peu militaire mais je voudrais préciser que la vaccination se fait sur le principe du volontariat. J’en vois certains d’entre vous, entre mes lignes, qui sourient. Mais non, j’en ai la preuve puisque dans les usines qui font partie de notre Compagnie, les enquêtes menées par les Autorités locales pour proposer le vaccin ont donné des taux très bas : 50% dans une usine et 25% dans l’autre. J’ai été moi-même étonnée au premier abord, au vu de la peur de la contamination ici, et j’ai ensuite pensé que c’était la même peur qui se transposait sur ces vaccins sur lesquels nous n’avons aucun recul.
Tout cela se passe à la fois dans un processus très solide et un grand flou. Pour ma part, gérer cette campagne de vaccination ressemble à ce que j’ai décrit dans mon article précédent sur les tests, nous sommes obligés de surveiller chacun de nos sites, car bien des initiatives locales viennent perturber le dispositif national qui a donné le cadre. Par exemple, notre siège n’est pas prioritaire dans la première vague de vaccination (nous ne faisons pas partie des 9 catégories) ; et pourtant le propriétaire de l’immeuble, avec lequel nous étions en relation pour organiser la phase 2 (voir plus haut), nous a proposé de vacciner tout le monde avant fin janvier, dérogeant aux règles générales… Nous sommes obligés de suivre de près ce qui se passe sur tous nos sites, pour être sûrs que nos employés sont impliqués, et au bon moment.
En parallèle, nous avons l’intention de nous procurer des vaccins BioNTech qui sont en cours d’agrément via la Société Fosun, une grande entreprise pharmaceutique chinoise (100 millions de doses annoncées, pas grand chose à l’aune de ce grand pays).
Ici, le vaccin a deux objectifs. Le premier, bien sûr, comme partout dans le monde, est de ne pas attraper la maladie (on ne pourrait demander moins à un vaccin 😉 ). Mais le deuxième, tout aussi important à mes yeux, est la possibilité de me déplacer avec moins d’entraves dans ce pays, qui met tellement d’obstacles de peur à nos mouvements. Ne pas avoir à montrer un test PCR négatif de moins de trois jours pour voyager ou entrer dans mon bureau. En plus dans un environnement où tout peut changer d’une heure à l’autre. Je fais ici une incise pour vous conter les mésaventures d’une de mes amies, qui avait quitté Pékin début janvier, un mardi, pour aller skier et qui voulait prendre un train pour Pékin le samedi ; pas de chance, le samedi matin, une nouvelle règle était tombée, qui exigeait pour revenir à Pékin un test PCR de moins de trois jours (je ne vous ferai pas un cours de mathématique de base, calculez tout seul le nombre de jours entre mardi et samedi…). Elle a été obligée de rester deux soirs de plus à l’hôtel, le temps de refaire un test pour pouvoir rentrer. Tout cela compte également beaucoup dans le fait de se faire vacciner.
Alors, chez nous autres expatriés, plane un choix complexe : est-ce que j’attends l’autorisation par la Chine du vaccin BioNTech, ou est-ce que choisis le vaccin chinois ? Se pose ici la reconnaissance internationale des vaccins, qui est gérée par l’Organisation Mondiale de la Santé. C’est une question qui va devoir évoluer rapidement, les Compagnies aériennes ont déjà commencé à s’exprimer sur le sujet, le PDG de Qantas (Australie) ayant déjà affirmé que sa Compagnie n’accepterait plus que des passagers vaccinés quand les vaccins seraient disponibles. En attendant, le coeur des expatriés balance entre une vaccination assurée mais peut-être sans reconnaissance internationale et l’attente d’un vaccin plus Occidentalo-compatible.
Pour faire contradiction aux mouvements anti-vaccin français, je pense que ce sera bientôt un passeport nécessaire pour voyager, voire autre. Bien sûr, être vacciné ne va pas nous éviter une quarantaine, puisque nous pouvons être porteur du virus, tout du moins jusqu’à ce que le seuil d’immunité collective soit atteint, mais c’est déjà un pas.
Pour ma part, faisant mienne la réflexion d’Ambroise de Milan « A Rome fais comme les Romains », je me suis mise sur la liste des personnes désirant se faire vacciner avec le vaccin chinois. Nous verrons bien…
FB
De tests en aiguilles, on finira bien par s’en sortir.
Merci pour toutes ces précisions passionnantes.
A bientôt
Merci à toi. Il faut être adaptable et patient. Tout finira par rentrer dans l’ordre.
Article passionnant, apportant des éclaircissements autant que possible sur la situation actuelle. Merci, amitiés 🙂
Oui, je pense que c’est une bonne idée de donner la vision depuis ici, j’ai écouté des émissions françaises et je ne suis pas toujours d’accord avec elles. De même que je fais des efforts d’explication sur la situation française avec mes collègues chinois. Merci à toi