Pékin – Test (2020)

Aujourd’hui, je vais vous faire part d’un épisode très représentatif d’après moi de la gestion de l’épidémie en Chine (et du fonctionnement des instances chinoises en général).

Ce matin, en arrivant au bureau (je travaille pour une entreprise française à Pékin comme responsable ressources humaines, en charge de la santé/sécurité entre autres), je perçois une certaine agitation (à la chinoise, ce qui veut dire un peu imperceptible pour nous) et j’entends parler de tests PCR proposés par le District (les instances locales ont ici un nombre d’attributions très important et elles ne sont pas toujours alignées entre elles sur les politiques promulguées). Sur le fil d’actualité WeChatWork de mon entreprise, je vois que le responsable santé/sécurité est sur le pont depuis 6h42 suite à cette nouvelle, qui nous est arrivée par bouche à oreille et dont nous ne savons rien. Est-ce obligatoire ? Si vous posez la question à vos collègues chinois, ils vous répondront que non, bien sûr, mais si c’est proposé, c’est quand même mieux de le faire.

Pékin vit depuis quelques semaines dans une peur du virus, née de la découverte d’un certain nombre de cas dans la capitale et dans les provinces avoisinantes, dont celle du Hebei, qui a été comme isolée du reste de la Chine (un de nos employés qui habite là, ne pourrait venir travailler au bureau qu’en faisant un test PCR quotidien…). Les écoles ont fermé progressivement (mais sans délai de prévenance) et lundi plus aucun enfant ne sera accueilli dans une institution, depuis la crèche jusqu’à l’université, au moins jusqu’au Nouvel An Chinois. Il faut maintenant présenter son « health kit » (voir articles précédents, application WeChat qui montre que vous n’avez pas voyagé dans des endroits à risque) dans les taxis, qui doivent remettre en place des barrières plastique entre eux et les clients. Tout le monde portait déjà un masque dans la rue depuis mon arrivée en septembre, maintenant certaines personnes mettent le masque dans les couloirs du bureau ou les toilettes. Nous sentons les montées parallèles des contraintes du Gouvernement et de la peur des gens, qui produisent des effets que nous qualifierions en France de sur-réaction mais qui permettent de contenir l’épidémie et de rassurer la population. Parmi les mesures de sur-réaction, je peux citer par exemple la fermeture de la supérette qui se trouve au sous-sol de mon immeuble de bureau, parce qu’un des employés habitait dans un district particulièrement exposé (attention nous parlons chaque fois de quelques centaines de cas pour une ville de 21 millions d’habitants) ; elle n’a réouvert qu’au terme des deux semaines de quarantaine imposées.

La Municipalité de Pékin a fortement recommandé aux habitants de ne pas se déplacer pour le Nouvel An Chinois (alors que c’est le vrai moment de retrouvailles avec les familles), le Gouvernement et les entreprises d’Etat ont interdit purement et simplement à leurs employés de quitter la capitale. Nous autres, expatriés, avons en majorité décidé de ne pas nous déplacer, car à l’arrivée sur notre lieu de vacances, nous pourrions être sommés de faire une quatorzaine (avec possiblement obligation d’un test PCR par jour) et au retour la même chose ; sans compter que si à l’arrivée vous êtes détecté comme ayant frayé avec un cas contact (même pas un malade du CoVid-19), vous pouvez rester en quatorzaine sur place dans un hôtel ou à l’hôpital. Un de nos employés chinois qui avait déjeuné le 24 décembre dans un restaurant proche du bureau en même temps qu’un cas contact, a été identifié dans une ville du centre de la Chine, où il se rendait pour un voyage d’affaires le 4 janvier, et a passé cinq jours à l’hôpital, faute d’hôtel disponible pour une quarantaine, avec son petit bagage de déplacement professionnel. Nous ne prendrons pas le risque… Mais Pékin est une ville immense où il fera bon se perdre en toute sécurité au mois de février :-).

Pour en revenir à mon récit initial, l’offre de tests PCR proposée était près d’une station de métro et comptait déjà à 9 h plus de 3 h de queue (que les gens faisaient sans rechigner), jusqu’au moment où un employé de mon entreprise a découvert un autre endroit où se faire tester (en passant devant, la communication sur le dispositif n’étant pas tout à fait publique ni claire). C’est là que je suis allée quelques heures plus tard, en ayant soin de me faire accompagner de collègues chinois. Car rien n’était sûr et tout était possible ; il fallait normalement avoir son passeport original avec soi, mais un de mes collègues français a pu se faire tester avec une photo de son passeport ; normalement il fallait scanner un Q/R code pour prendre un rendez-vous, ce qui était impossible pour les étrangers, mais qui est devenu possible sur place. Encore une fois, je ne dirai jamais assez combien les Chinois sont prêts à vous aider, parfois d’une manière un peu brusque, mais tellement gentille dans le fonds.

Les queues pour le test PCR

Et donc je me suis faite tester, sans savoir si cela était une obligation ou une recommandation, et par précaution, j’ai rapporté mon ordinateur portable à la maison, au cas où demain, avec les résultats des tests, nous apprendrions que quelqu’un, dans notre immeuble aurait été testé positif…

Nous ne saurons peut-être jamais pourquoi cette campagne de tests a été déployée : des cas positifs trouvés dans notre quartier ? Une campagne générale à Pékin ? La décision d’un hiérarque prêt à faire du zèle pour montrer que, lui aussi, il contribue à l’éradication de la maladie ? Un écoulement de tests proche de la péremption ? Toutes les possibilités restent ouvertes, comme souvent en Chine, où les processus ne sont pas carrés comme sous nos latitudes, mais restent ouverts à nombre de possibles.

L’aventure, l’aventure…

FB