Pékin – Excursion aux tombeaux Qing (2020)

A 125 kilomètres à l’est de Pékin (soit assez près en mesure « Chine »), se trouvent les tombeaux de la dynastie des Empereurs Qing (prononcez « tsing »), dernière famille à avoir régné sur le pays de 1644 à 1911 et dont vous connaissez sûrement le dernier, Pu Yi, qui a fait l’objet d’un film de Bernardo Bertolucci en 1987 (« Le dernier empereur »). Autant qu’à leurs palais, les Empereurs ont prêté une grande attention à leurs sépultures, faisant le choix du site de manière réfléchie et symbolique, veillant à l’avancée des travaux pour que l’oeuvre finale reflète leur niveau de grandeur.

L’inhumation, qui était la règle en Chine et qui permettait de laisser une trace pour les vivants, a fait place dans les villes, devant la concentration et le manque de place, à l’incinération, mais ce n’est pas la manière naturelle ni l’aspiration des Chinois ; je l’ai compris au ton d’envie que prenait la guide en nous expliquant qu’à la campagne, aujourd’hui, les paysans peuvent enterrer les leurs dans un champ qui leur appartient.

Sur ce site de 40 kilomètres carrés sont enterrés 5 empereurs, 14 impératrices et d’innombrables concubines ; les collines avoisinantes abritent quant à elles une foule de femmes et d’hommes nobles de la cour, qui voulaient rester proches de leur Seigneur. C’est donc un véritable mausolée, aux dimensions impressionnantes que nous allons voir ce jour-là.

Toutes ces tombes ne sont pas ouvertes au public, les plus accessibles sont celles de l’Empereur Qianlong et de l’impératrice Cixi. Pour la première fois en effet ici, les femmes et concubines peuvent être enterrées à part, existant (si je peux dire) à part entière dans la mort et non, comme sous les dynasties précédentes, forcément associées à leurs époux ou amants. Une anecdote amusante à propos de cette dernière : elle avait fait construire son tombeau pour abriter également une concubine ; après le décès de cette dernière, elle fit refaire l’édifice avec des matériaux splendides, augmentant la richesse du lieu pour qu’il devienne digne d’elle…

Levée aux aurores, départ de chez moi à 7 h (un samedi matin…) dans une atmosphère humide et assez froide, j’ai rejoint la station de métro où nous attendait un bus, préférant éviter les galères de transport et d’accès au site en faisant confiance à un voyagiste qui travaille majoritairement pour les expatriés. Bien m’en a pris car après 2h30 de trajet, à l’arrivée sur les lieux, comme nous étions les premiers étrangers à y pénétrer depuis l’épidémie, nous avons failli être obligés de télécharger une application particulière prouvant notre bonne santé… (Et au retour notre bus a été arrêté par la police, qui a voulu voir les passeports de tout le monde et a finalement tourné casaque après avoir examiné ceux de deux volontaires ; il n’est pas toujours facile de se déplacer ici).

A l’arrivée, nous nous sommes trouvés aux prises avec une tempête de neige… J’avais beau avoir mis une grosse doudoune, je n’avais pas une tenue à la hauteur, ce qui m’a obligée à me réfugier dans un restaurant au milieu du parcours, les pieds gelés et au bord de la pneumonie.

Impréparation…

Donc je n’ai pas tout vu, mais je vais vous livrer ici cette beauté qu’il m’a été donné de voir. Car si certains râlaient du manque de chance, car la veille (et le lendemain) un soleil magnifique brillait sur la région, j’ai trouvé pour ma part assez fabuleux d’être là, sans personne, dans cette atmosphère particulière, presque de fin du monde, ce qui, vous l’avouerez, correspond assez bien à une visite de mausolée :-).

Un premier portique nous accueille sur la longue voie (6 kilomètres) qui mène aux sépultures, dressant sa blancheur sur le gris blanc du ciel, dégradés de tons clairs et sourds à la fois. Dans le lointain nous apercevons la deuxième porte dans un brouillard de neige. Les arbres n’en peuvent plus…

Puis vient cette voie sacrée, bordée de 18 paires de statues représentant des animaux (lion, éléphant, chameau, boeuf, représentés face à face, d’abord assis puis debout) puis des hommes. Perspectives déjà impressionnantes et rendues presque infinies par le temps qu’il fait.

Après les animaux, majestueux, dont nous sentons toute la solitude et la grandeur de gardiens insensibles au temps qu’il fait et au temps qui passe, viennent les hommes, vigiles de pierre, immuables et en même temps prêts à tout. La neige leur fait parfois comme des larmes qui coulent sur leurs visages insensibles, pourtant si humains.

Un envoûtement continu au fur et à mesure que nous progressons, transis mais captivés, au milieu de cette garde muette…

Vient ensuite la visite des tombeaux proprement dite (et écourtée pour moi), un ensemble d’édifices dans lequel nous étions seuls. Une atmosphère sacrée et magique planait sur le site ce jour-là, les conditions météorologiques qui me furent tellement adverses, faisant planer ici comme une brume rehaussant la beauté muette et imposante des lieux.

Mon récit s’arrête là, à l’orée des tombeaux. Je referai cette sortie au printemps, mais je ne suis pas certaine de retrouver cette atmosphère presque surnaturelle que j’ai trouvé ici. J’avais rarement eu cette impression de grandeur muette du passé, comme s’il nous surplombait sans nous attendre.

FB