Cinémas – Bruno PODALYDES : Bécassine ! (2018)

bécassine

Vous connaissez sûrement cette bande dessinée née au début du XXe siècle, qui met en scène une « servante » d’origine bretonne, Bécassine, un peu gauche et d’une naïveté confinant parfois à la bêtise. Avec sa coiffe blanche, son costume vert et rouge et son grand parapluie à tête de canard, elle fait partie de notre imaginaire national, au même titre qu’Astérix et Obélix, par exemple.

Pour porter cette héroïne à l’écran, il fallait un cinéaste subtil, capable de ne pas tomber dans la caricature, si vite arrivée lorsque l’adaptation se saisit de personnages si typés. Si l’on m’avait demandé quel cinéaste était à même de réaliser un film sur Bécassine, j’aurais spontanément cité Michel Gondry ou Wes Anderson, qui savent comme personne parler de l’enfance et restituer le merveilleux à l’écran. Je n’aurais pas pensé à Bruno Podalydès, peut-être parce que les deux derniers opus que j’ai vus de ce cinéaste « Adieu Berthe » (2012) et « Comme un avion » (2014), m’ont laissée sur ma faim, par rapport à des films plus anciens que j’avais beaucoup aimés (les adaptations de Gaston Leroux par exemple, ou « Liberté Oléron » et « Versailles Rive Gauche ») ; je trouvais que l’auteur s’égarait dans quelque chose d’assez lourd, perdant son sens aigu de la dérision bienveillante.

C’est un film pétillant et plein de fraîcheur que j’ai découvert ici. Son format court, 1 h 30  à peine est sûrement pour quelque chose dans le rythme qu’il parvient à garder du début à la fin. Le scénario s’empare de morceaux choisis au travers des albums mettant en scène la jeune Bretonne (37, quand même !) pour nous présenter l’héroïne depuis son enfance jusqu’à ce qu’elle soit engagée par la Marquise de Bel-Air pour garder sa fille adoptive Loulotte. S’ensuivront des aventures que je ne vous conterai pas ici…

Bécassine est une jeune fille naïve, c’est sûr, émerveillée de tout comme une enfant, positive et courageuse. Mais elle est aussi très futée, pleine d’inventivité pour imaginer des procédés techniques qui lui facilitent la vie. Fascinée par la technique, elle l’intègre presque de manière innée et s’adapte très vite aux inventions de l’époque (l’électricité, l’eau courante). Se faire engager dans ce château devient pour elle comme l’accomplissement d’un conte de fées qui la sauve d’une destinée paysanne pour lui offrir l’accès au progrès.

Pour incarner cette héroïne « moderne », l’actrice Emeline Bayart est parfaite, grands yeux bleus et peau blanche, lumineuse, généreuse et candide.

Autour d’elle, une galerie de « seconds » rôles au diapason de cette fantaisie ; Karin Viard, parfaite en Marquise de Grand-Air (citez-moi un film où Karin Viard n’est pas parfaite : vous n’en trouvez pas ? Nous sommes à égalité 🙂 ), Denis Podalydès en Monsieur Proey-Minans, conseil et amoureux transi de la Marquise, Bruno Podalydès en Rastaquoueros,  en escroc séduisant, Josiane Balasko, Isabelle Candelier, Philippe Uchan et Jean-Noël Brouté en domestiques fantaisistes, tous font merveille.

J’ai lu que le film avait été boycotté par quelques Bretons surexcités ; qu’ils choisissent leur combat avec plus de discernement, car cette Bécassine-là leur rend hommage…

J’ai beaucoup aimé.

FB