Littérature – Yves RAVEY : Trois jours chez ma tante (2017)

Yves Ravey

De cet écrivain français, né en 1953, j’avais lu l’an dernier « La fille de mon meilleur ami » (2014) et j’avais senti là quelque chose de ténu et d’intéressant, que le présent opus vient confirmer. Il est des écrivains qui « claquent » dès la première page, ils installent la brillance et l’éclat dès l’incipit, quitte à confirmer ou non, tout dépend. Il en est d’autres qui sont plus discrets, qu’il faut aller chercher au gré des pages voire des romans, pour comprendre tout leur talent.

La littérature française nous offre en ce moment quelques-uns de ces auteurs, qui, dans une forme très moderne, nous ouvrent la porte d’univers subtils et bien à eux. J’ai déjà eu l’occasion de chroniquer sur ce blog Christian Oster et Jean-Philippe Toussaint, qui appartiennent selon moi à cette veine. Elle est issue du mouvement « Nouveau Roman », porté par des auteurs comme Alain Robbe-Grillet, Michel Butor, Marguerite Duras ou Nathalie Sarraute, qui ont tenté dans les années 1950/1960 de réinventer le roman en dynamitant la forme classique, jusqu’à toucher à la sécheresse (interprétation personnelle), mais a réussi, elle, à remettre de la « chair » autour du concept.

Dans le roman présent, une vraie histoire autour de vrais personnages nous attend. Marcello Martini revient après vingt ans d’absence en France à la demande de sa vieille tante. Il quitte le Liberia où il s’est installé pour renouer temporairement avec un passé dont vont nous être dévoilées peu à peu toutes les obscurités.

Là où, par exemple, Christian Oster procède par échappées libres successives pour bâtir son récit, ce dernier est ici circulaire. Comme si partant d’un centre (le neveu à la tête d’un orphelinat africain qui va voir sa riche tante qui souhaite lui couper les vivres) il se déroulait en forme d’escargot pour s’éloigner de ce point de focus pour rejoindre peu à peu les alentours, dévoilant ainsi une toute autre histoire que celle dans laquelle il nous installe au début. Il réussit même ce tour de force d’inverser à certains moments le bien et le mal et, bien que nous ayons assez rapidement l’intuition de l’inflexion donnée par l’écrivain, nous serons surpris par la chute. La forme resserrée de l’ouvrage, 188 pages très aérées, permet de maintenir cette tension tout au long des pages.

C’est un auteur que je vais suivre (et lire à rebours, puisque j’ai commencé par les derniers !)

FB