1971. Les Etats-Unis sont embourbés depuis 1955 dans la Guerre du Vietnam, qui fait l’objet depuis quelques années d’une contestation populaire de plus en plus aigüe et a envahi le champ politique depuis ; Richard Nixon est au pouvoir depuis 1969. C’est alors que par une source occulte, le New-York Times entre en possession d’une étude classée secret/défense élaborée par le Département de la Défense et analysant les faits entre 1945 et 1967, en montrant notamment tous les actes pas si propres que cela menés par le Gouvernement américain en la matière.
Le New-York Times va publier ces papiers et se voir aussitôt assigné en justice par ce dernier ; pour la première fois depuis la création des Etats-Unis, la presse fait l’objet d’une censure par l’Etat, voilà ce qui est en jeu ici.
L’histoire du film se concentre sur le Washington Post, journal d’une moindre envergure que le précédent (tout du moins c’est ainsi qu’il est montré) qui va jouer là une étape primordiale de son histoire. Propriété de Katharine Graham (Meryl Streep), qui a appointé Benjamin Bradlee (Tom Hanks) comme rédacteur en chef, le quotidien est à une période charnière, car, un peu à bout de souffle financier, il cherche des investisseurs et doit réussir son entrée en bourse lorsque tombe cet arrêt juridique sur le New-York Times… Ayant également mis la main sur les fameux papiers, un choix critique s’offre à ses décideurs : publier et risquer la santé financière du journal ou ne pas publier et aller contre la liberté de la presse ? C’est ce dilemme qui est mis en lumière ici.
Steven Spielberg, réalisateur richissime et qui peut tout, nous a habitué à une alternance de films très différents, oscillant entre animation/action (« Les dents de la mer »– 1975, « Rencontres du troisième type »– 1977, « Les aventuriers de l’arche perdue » – 1981 et suites, « Hook » – 1991, « Jurassic Park » – 1993, « Les aventures de Tintin » – 2011) et films plus engagés, dont les plus emblématiques, à part celui dont il est question, sont sûrement « La liste de Schindler » en 1993 et « Munich » en 2005. Je m’étais même dit en mon for intérieur que ce cinéaste produisait des blockbusters pour financer des films plus personnels, tellement sa filmographie est hétéroclite… Propos personnels sans preuve ! (1)
Ici il s’attaque à un sujet ardu, les liens entre presse et politique. Cela se passe aux Etats-Unis, mais il s’agit d’un propos universel et je ne citerai pas d’exemple dans d’autres pays tellement ils sont nombreux. Pensez simplement, chez nous, en France, au nombre de nos hommes/femmes politiques en couple à un moment ou à un autre avec un journaliste. Voici pêle-mêle les exemples suivants : Chistine Ockrent/Bernard Khouchner, Vincent Peillon/Nathalie Bensahel, Michel Sapin/Valérie De Senneville, Arnaud Montebourg/Audrey Pulvar, Marie Drucker/François Baroin, Anne Sinclair/Dominique Strauss-Kahn, François Hollande/Valérie Trierweiller, Béatrice Schönberg/Jean-Louis Borloo… Ici, il nous montre le même entrelacement affectif entre les deux mondes, où les protagonistes fréquentent ou ont fréquenté dans des moments intimes Robert Mc Namara, Secrétaire à la Défense du moment ou les époux Kennedy.
Choisir de publier ces papiers au nom de la liberté de la presse revient alors à trahir des personnes que l’on connaît sur le plan personnel, ce qui change la donne par rapport à une dénonciation anonyme. Il faut bien du courage pour affronter des personnes que l’on fréquente a titre privé…
C’est donc un propos engagé, auquel nous ne pouvons que souscrire – et qui prend d’autant plus de relief avec l’actuel résident de la Maison Blanche (ou à peu près, tant sur le plan de la localisation géographique de son Q.G. que dans sa manière d’endosser la fonction 😉 ) – qui promeut la révolte au nom du bien de tous.
Porté par deux magnifiques acteurs, Meryl Streep et Tom Hanks, qui donnent d’après moi au film toute son épaisseur et le portent sur leurs quatre épaules.
Après, après, cela reste un film américain (sûrement fait pour les Américains, mais lesquels ?), assez auto-centré et cédant aux dérapages du genre.
Notamment, après une introduction brillante, qui nous prend presque à la gorge (un peu comme dans « Il faut sauver le soldat Ryan »), avec sa fièvre et toutes ces allusions à des personnages que nous ne connaissons pas, comme pour nous faire plonger plus vite dans ce monde, nous retomberons vers la fin dans quelque chose de très convenu, lacrymal avec musique (insupportable) à l’appui, digne des plus grands mélos hollywoodiens actuels, dont je ne pense pas du bien, vous l’aurez compris, vous mes si intelligents lecteurs !
Bref, un film sur lequel je suis partagée ; j’adhère au propos tout en regrettant son centrage sur les Etats-Unis et j’adore la prestation des deux acteurs principaux. Je suis déçue par la forme globale du film, trop formaté, et surtout par la fin tellement sirupeuse.
FB
(1) Vous me voyez avec un procès en diffamation financé par ce magnat… J’espère que vous m’apporterez des oranges en prison !
Oui. On pensera aux oranges.