Cinémas – Zhang YIMOU : La grande muraille (2016)

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Un dimanche pluvieux et froid. Un premier dimanche de soldes d’hiver, où vous prend l’irrésistible envie d’échapper à la foule pour voir de belles choses presque régressives (enfin, pas tout à fait car je suis également allée voir au Louvre la très jolie exposition sur le baroque autrichien à Salzbourg, qui m’a également bien requinquée).

Et c’est là que vous vous rendez compte que cette semaine-là est sorti le dernier opus du cinéaste chinois, Zhang Yimou, dont vous avez apprécié plusieurs films, et vous y allez. Depuis « Le sorgho rouge » (1988), cet auteur a su construire une filmographie variée, toujours centrée sur son pays, avec une part importante donnée aux films que nous pourrions dire « de cape et d’épée » (ou d’aventure). Avec comme fil conducteur, une esthétique raffinée jusqu’à l’extrême, que ce soit dans « Epouses et concubines » (1991), chronique intimiste, ou « Le secret des poignards volants «  (2003), film d’action ; au risque de voir le fond s’effacer devant la forme.

Venons-en au film qui nous occupe. Au Moyen-Age, deux aventuriers occidentaux font route en Chine pour trouver le secret de la poudre, cette arme qu’ils pensent absolue. Ils sont fait prisonniers par les membres de l’Ordre sans nom, une division militaire impériale qui garde la Grande muraille. Et cette milice est en alerte car des créatures, créées par un phénomène naturel ou magique (une météorite qui a ouvert la montagne avoisinante), qui attaquent les humains tous les soixante ans, vont passer à l’acte ; des monstres capables d’envahir le pays. Nous allons suivre les tentatives des soldats, augmentés des deux recrues étrangères, pour réduire à néant cette force du mal.

Ne cherchons pas ici des bribes de philosophie orientale ou de grandes leçons d’existence. La confrontation entre Orient et Occident est d’ailleurs réduite à néant par rapport à ce qu’elle aurait pu être et, à part offrir le rôle titre à une tête d’affiche américaine, Matt Damon (1), nous ne voyons pas bien ce que ces étrangers viennent faire dans ce film.

L’histoire est celle, classique, d’un bon film d’action, sans relief particulier, mais qui ne démérite pas. D’autant plus que le cinéaste a fait un opus court par rapport à ce que nous voyons, à peu près une heure trois quart, ce qui permet au rythme de se maintenir tout du long.

Alors d’où vient la magie que j’ai trouvé dans le film ? Ce qui m’a envoûtée, c’est la beauté de la mise en scène, comme si ce cinéaste venait, avec sa culture propre, embellir les figures classiques du film d’action américain. Nous ne pouvons nous empêcher, en effet, de penser à la bataille du Gouffre de Helm (deuxième opus de la trilogie du « Seigneur des anneaux ») quand nous voyons le combat inaugural. Des hordes innombrables de monstres qui prennent d’assaut une forteresse, des costumes que nous verrions bien portés par les Elfes, une bravoure collective qui va jusqu’au sacrifice individuel, tout cela nous est connu. Et cela semble ici revisité dans une esthétique superbe, Zhang Yimou semblant soigner chacun des plans pour qu’il soit d’un équilibre parfait en termes de lumière, de couleur et de forme.

Et nous nous laissons aller à contempler ces images presque parfaites, d’autant plus qu’elles s’émaillent de trouvailles que l’on pourrait qualifier de poétiques, même si nous sommes en plein lutte/deuil/sang/mort ; ces porteuses de lances qui confrontent leurs fragiles et raffinées silhouettes vêtues de bleu à ces monstres, en un ballet aérien d’une grande beauté ; ces ballons précaires et incertains qui tentent de rallier la capitale, fragile cohorte sur fond de nuit ; ces paysages splendides, montagnes arides rousses qui s’étendent à l’infini, muraille enserrée d’un blanc brouillard qui lui fait comme un écrin de mort. Tout cela m’a enchantée, comme une version sublimée du Seigneur des anneaux, déjà cité et que j’ai adoré.

Donc allez-y si vous êtes sensibles à cette critique.

FB

 

(1) Voyons ce que cette tendance à la coopération entre Chine et USA, que nous avons vu se développer récemment, deviendra avec l’accession au pouvoir de Donald Trump…