Excellent spectacle à « L’Européen », place de Clichy à Paris, où pendant une heure et demie, François Rollin, alias le professeur Rollin, va nous entraîner – en de longs détours il est vrai 😉 – sur les traces d’une biche, qui en mars 1957, à Cologne, en Allemagne, est entrée dans un terrain vague qu’elle a trouvé sans intérêt et en est ressortie, toute la question étant de savoir si elle en est ressortie (tout court) ou si elle en est ressortie »aussi sec »…
J’ai personnellement découvert François Rollin dans l’émission de Jean-Michel Ribes « Palace », au tournant des années 90 où il officiait dans une petite chronique, « Le professeur Rollin a toujours quelque chose à dire ».
Je l’ai retrouvé avec bonheur sur France Culture dans « L’oeil du larynx », dont il a tiré un livre « Les grands mots du professeur Rollin » (2006), où il affirmait son goût pour la précision des expressions mélangé avec un sens de l’absurde réjouissant.
Cet homme, d’une grande classe, à l’élocution parfaite, au vocabulaire soutenu et à l’érudition sans faille, nous a enchanté ce soir. Sur une idée de mise en scène simple et habituelle de ses manières, il répond à son courrier, piochant lettre après lettre dans une brouette (ne me demandez pas pourquoi une brouette, et je ne suis pas sûre que si vous le lui demandiez, vous obtiendriez réponse évidente !). Et c’est un festival, un feu d’artifice de loufoquerie sous des dehors de rationalité et de bon sens, du genre je-pose-un-problème-et-je-le-résous. Avec comme exemple cette échelle de l’injustice, qui pareille à l’échelle de Beaufort pour le vent, pourrait mesurer le niveau d’injustice. Le niveau 0 serait par exemple : dans un match de football, l’arbitre siffle un hors-jeu ; il y a manifestement hors-jeu, caméras et arbitre de touche en attestent, donc niveau 0. Et le niveau 7 : vous patientez à une caisse de supermarché depuis vingt minutes, s’ouvre une autre caisse à côté et tous les gens qui faisaient la queue derrière vous s’y précipitent…
Se mêle ici, pourtant, quelque chose de plus grave, lorsque les questions posées sont du genre « Je n’ai pas envie que mon fils devienne homosexuel. Suis-je homophobe ? » ou « Mon fils va dans une classe où 27 enfants sur 31 sont noirs, est-ce normal ? », ce dernier thème répété à plusieurs reprises, prenant une résonance différente depuis les événements de janvier. Et ces sujets, François Rollin les affronte – même s’il fait parfois un pas de côté, nous sommes quand même dans un spectacle comique- avec beaucoup de franchise et d’humanité. Grâce à son esprit d’analyse et son système de dissection des mots, il met distance et neutralité dans ses réponses, qui sont pourtant bien loin de la « bien-pensance », thème qu’il fustige dès l’ouverture du spectacle. Et nous avons l’impression qu’il veut nous transmettre quelque chose et, lorsque nous quittons la salle, qu’il y a réussi.
Et même si j’ai ri à gorge déployée, j’ai l’impression d’avoir reçu un enseignement courageux et nuancé.
Un grand bonhomme, qu’il faut aller voir.
FB
Pour la route, une performance en live à Toulouse de son groupe Tchouk Tchouk Nougâh, « le magazine littéraire »