Ce qui est arrivé à Pompéi, cette ville italienne ensevelie en 79 après J.C. sous les cendres et la lave, suite à l’éruption du Vésuve voisin, fait partie de la mémoire collective (a minima occidentale), à l’instar du naufrage du Titanic. L’événement a tout pour frapper l’imagination. C’est une tragédie, qui détruit une ville entière, tuant plusieurs milliers de personnes, pense t-on, et cependant elle nous lègue un des plus beaux musées à ciel ouvert du monde. Tout un univers quotidien figé et saisi dans sa pose et peu à peu révélé à partir du XIXe siècle par des chercheurs fascinés, et dont certaines traces nous laissent empreints d’une profonde émotion (des cadavres momifiés sous forme de statues involontaires).
Nous connaissons cet événement par des lettres de Pline le Jeune, sénateur romain, qui se trouve à Pompéi au moment de l’éruption et en écrit le récit, à la demande de l’historien Tacite, plusieurs décennies après.
Peut-être à court de scénarios, après avoir épuisé (tout du moins nous l’espérons) sa série de films « Resident evil » et avoir déjà fait une incursion dans le patrimoine européen (« Les trois mousquetaires » 2011), Paul W. S. Anderson jette cette fois-ci son dévolu sur la tragédie de Pompéi, qu’il nous présente sous la forme d’un objet filmique en 3 D, que je vais essayer ici de vous décrire.
Que dire pour faire la critique de ce film ? Les mots me manquent. Alors procédons différemment. Admettons que vous soyez un cinéaste américain habitué à dépenser des budgets insensés, que vous disposiez ici de 100 millions de dollars et que vous vouliez faire un film qui continue à drainer vos fans (votre dernier opus étant « Resident evil 6 », autrement dit recherchant plus le spectaculaire que la finesse), comment adapteriez-vous le récit des dernières heures de Pompéi ? Et bien, suivez ma lampe à huile, je vous éclaire.
Il faut d’abord une histoire exogène au récit principal, tiens, une histoire d’amour, cela fera bien dans le tableau. Et voici Cassia, ravissante fille de patriciens, jouée par Emily Browning, avatar d’Angelina Jolie, qui remarque Milo, esclave gladiateur tout en muscles et tombe amoureuse au premier regard. Et là le réalisateur est fier, car il a ajouté une touche de transgression sociale à son propos. Mais cela ne suffit pas, donc rajoutons de la politique, oh oui, la politique, cela fait toujours bien et en plus cela fait intelligent ! Alors voilà un sénateur méchant, vraiment méchant, joué par Kiefer Sutherland, dont tout le monde sait, depuis la série « 24 heures », qu’il faut s’en méfier ! Mais que ces Pompéiens sont crédules, ils l’accueillent à bras ouverts, surtout les parents de la jolie Cassia (notons que la mère est jouée par Carrie-Anne Moss, absolument magnifique et dont nous nous demandons tous ce qu’elle fait là, elle aussi d’ailleurs). Comme subodoré, il va les trahir, en homme dur qu’il est (on l’avait vu avant eux !) et exiger la main de Cassia. En plus, nous avons bien compris depuis les scènes d’introduction, qu’il a massacré les parents de Milo, ouh le méchant ! D’accord, c’étaient des barbares, des Celtes aux longs cheveux sales, donc méritaient-ils de vivre ? Notons que le héros a hérité de la chevelure, qui, à peine graissée de cosmétiques new-look, lui donne l’air d’une icône moderne (parce qu’il le vaut bien !). Pour donner plus de sens politique au récit, ajoutons un esprit rebelle à Cassia, la pompéienne, en révolte contre les Romains et se trouve donc, comme par miracle, faire cause commune avec Milo, le Celte, dont ces ignobles envahisseurs ont occis les parents en Britannia (il en fait toujours des cauchemars, le pauvre). Et voilà, les deux dimensions sont enfin réunies (ouf !), politique et intrigues amoureuse s’entrelacent, les deux insurgés contre l’Empire romain (presque) tout entier.
Pourtant, avant d’aborder le spectacle final, il manque encore quelque chose… Ah oui, je sais, quelques combats. Certes, le volcan va amener de l’action, mais est-ce assez ? Apparemment pas, car nous allons assister à quelques luttes de gladiateurs dans la plus classique des traditions, comme si le réalisateur s’ennuyait lui-même à les filmer. Mais cela remplit le contrat hollywoodien, muscles et virilité tâchés de sang, de l’action, toujours de l’action. Et bravo pour la diversité, un Celte, quelques noirs et un Thrace (actuelle Bulgarie) ; bon d’accord, tous des esclaves, nous sommes quand même dans un film américain, mais l’effort est louable.
Maintenant que l’intrigue – primaire, mais cela suffit, ils n’ont pas besoin de beaucoup plus, ces spectateurs benêts qui payent leurs places – est plantée, revenons à l’essentiel, car maintenant il faut « que cela bouge » autour de cette éruption.
Et c’est parti, je prend un peu de tout ce qui a fonctionné jusqu’à présent : pour l’éruption volcanique, soyons hyper-réalistes, comme dans le « Pic de Dante » (1), avec effondrements divers, pluies de cendres et de roches en fusion et déferlement de lave. Mais c’est un peu court, alors rajoutons quelque chose qui lorgne vers des films au box-office éprouvé comme « 2012 », tiens par exemple un raz-de-marée ! Oui, je sais, cela n’est pas vraiment attesté, mais qu’importe, envoyons ! Et voilà qu’en plus de lutter contre les impacts du feu, les habitants se trouvent confrontés à une vague déferlante qui permet au réalisateur un moment de bravoure absolument miraculeux, où une trirème vogue sur une des rues principales devenue bras de mer, saccageant tout sur son passage. Que tout cela est ingénieux et que je suis fier de moi, se dit le réalisateur ! Mais tout est surtout si lourd, si lourd, à l’instar de ces pierres et de cette lave qui submergent la ville, les pauvres spectateurs sont étourdis par une succession d’effets spéciaux de pacotille (2) à peine mise en relief par une 3D d’une pauvreté qui laisse coi.
Nous sommes face à un immense gâchis.
Que dire de plus ? Scénario convenu et finalement indigent, sans aucune surprise, acteurs inexistants, ce sont cent millions de dollars qui s’engloutissent en même temps que Pompéi sous nos yeux.
Si vous avez moins de dix ans, vous pouvez y aller…
FB
(1) Film de Roger Donaldson, 1997.
(2) Je ne serai pas étonnée que ce film soit bientôt chroniqué sur « Nanarland ».
Les mots te manquent…
Alors je me demande quelle longueur ferait cette critique s’ils ne t’avaient pas fait défaut ! 😉
Bien vu !