Cinéma – Lars VON TRIER : Nymphomaniac, part I (2013)

A Lars Von Trier, dont je pense qu’il est un cinéaste très important dans son originalité et la puissance de son propos, je dois une de mes plus grandes émotions cinématographiques de ces dernières années, le magnifique « Melancholia », fulgurant, inattendu et pourtant si limpide (sans aller plus loin dans sa filmographie, riche, j’inciterai à voir également la série « L’hôpital et ses fantômes », objet bizarre et fort drôle).

Je suis allée, confiante, voir son dernier opus « Nymphomaniac, part I », confortée par la présence de Charlotte Gainsbourg, dont je pense qu’elle est une des grandes actrices françaises actuelles, et du casting qui promettait monts et merveilles (Uma Thurman, si rare ces temps-ci, Christian Slater et surtout Stellan Skasgard, excellent acteur souvent sous-employé dans des films zim-boum-boum américains).

Rien à dire sur les acteurs pré-cités, ils tiennent leur rôle avec panache ; la prestation d’Uma Thurman, pourtant mise en grande difficulté par le scénario, est particulièrement remarquable). Les autres sont plus contestables, notamment l’héroïne, Stacy Martin, fort insipide.

L’histoire, quant à elle, veut se donner le côté sulfureux déjà annoncé par le titre. Voilà, nous allons vivre les aventures d’une nymphomane, avec toutes les situations scabreuses que cela induit. Séduction effrénée des personnes de l’autre sexe, actes sexuels répétés (je vous rassure, tout ceci reste très acceptable, pornographie « soft » pour intellectuels qui rêvent de s’encanailler, un peut à l’instar que ce que je disais sur Jeff Koons, voir article sur le blog). Nous voyons ainsi peu à peu les deux genres se hérisser l’un contre l’autre en une guerre sans merci, où il doit y avoir un vainqueur et un vaincu (et l’assimilation, à un moment du film, des hommes à des lions ou des léopards renforce ce propos, la loi de la jungle, etc., etc.).

Le problème est double.

D’abord, il n’y a pas de propos. D’accord pour voir de la pornographie sur grand écran, quand elle vise à démontrer quelque chose. Ici, rien. Le vide. Juste la contemplation d’une jeune fille qui, à travers ses aventures multiples, cherche à… Cherche à quoi ? C’est là justement le problème. Nous ne voyons pas. Et les scènes sexuelles, non transcendées, restent ce qu’elles sont, des actes mécaniques, qui peuvent plaire à des jouisseurs (d’autant plus que la belle a quelques charmes) et c’est tout.

Ensuite, je ne suis pas complètement juste en écrivant ce qui précède, car je soupçonne le cinéaste de reprendre une de ses antiennes, fort dérangeante, sur la place de la femme. Une créature soumise à ses instincts ou plutôt apte à déchaîner ceux des hommes. Joe, l’héroïne, rejoint ici dans la filmographie de Lars Von Trier, sa soeur dans « Breaking the waves » où seule la prostitution et le rabaissement de la femme aimée peut sauver l’homme, et sa soeur de « Dogville » où la femme ne peut être qu’un bouc émissaire sexuel. J’aurais une question iconoclaste à ce stade : qu’est-ce qui différencie cette vision de la femme de celle des religieux intégristes, contre lesquels nous vitupérons tant, lorsqu’ils les condamnent à la burqa ? Elle est objet de tentation, qui parfois n’arrive pas à se contrôler (comme ici) et il faut trouver une solution. La misogynie est universelle…

Cette idée est renforcée par la trame de l’histoire elle-même : une jeune fille blessée gît dans une arrière-cour et rencontre un homme qui va l’héberger et écouter son histoire, en forme de confession. Tout est là pour nous conforter dans cette idée : jeune fille blessée physiquement en raison de ses péchés (nous sommes poussés à penser ainsi, puisque rien ne vient expliquer pourquoi Joe se retrouve dans cet état, peut-être dans l’opus II, mais cela viendra un peu tard, l’impression est acquise), homme mûr sans femme, auquel il ne manque qu’un signe religieux pour l’assimiler complètement à un prêtre, qui va écouter avec patience la pécheresse s’accuser de tous ses crimes de chair en clamant avec constance qu’elle est une mauvaise fille).

C’est donc un film que je ne recommande pas…

FB