La semaine du Nouvel An Chinois est un moment particulier en Chine, c’est une période fériée pour la majorité des habitants, qui en profitent pour transhumer dans le pays et aller rejoindre leur famille pour célébrer cette fête. Après la fin de la politique 0 Covid, fin 2022, j’ai choisi, comme beaucoup d’expatriés, de partir hors de Chine, pour éviter les foules – en 2023, je suis allée à Hong-Kong. Mais en 2024, j’ai fait le pari de voyager dans le pays, pour aller visiter Nanjing et Changsha, dans le centre/sud. Je vous conterai dans un autre article cette aventure au milieu de la migration saisonnière chinoise, je veux ici me concentrer sur un des sites les plus importants de cette ville, ses murailles.
Nanjing 南京 (que nous connaissons en France sous le nom de Nankin) est une ville moyenne de 8 millions d’habitants dans la province du Jiangsu. Son nom signifie « capitale du sud » (Beijing 北京 étant la capitale du nord), car elle a rempli cette fonction sous la dynastie Ming de 1368 à 1420, puis sous les Rebelles Taiping, qui firent sécession au milieu du XIXe siècle. En 1928, la ville devint la capitale de la République de Chine jusqu’en 1937, puis de 1945 à 1949, avant l’exode du Guomingtang vers Taïwan.
De l’époque Ming, elle conserve de magnifiques remparts, construits entre 1366 et 1393, là où bien d’autres villes en Chine ont détruit les leurs. Pékin, par exemple, les a mis à bas après 1950 pour construite une ville moderne, n’en laissant subsister que quelques vestiges dans le sud de la ville ainsi que des portes rescapées des destructions sauvages du siècle dernier.
C’est la plus longue fortification urbaine du monde, totalisant près de 35 kilomètres (je l’ai arpenté sur plus de 6 kilomètres, ce qui était déjà impressionnant), qui entoure le coeur de la ville et dont les deux tiers sont encore debout. Certains disent que les murailles, abandonnées à la végétation, presque cachées, ont ainsi survécu aux destructions massives de l’ère communiste. Elle se doublait d’une enceinte extérieure qui sinuait autour de la ville sur 60 kilomètres.
Son édification s’est déroulée sur presque trente ans, entre 1366 et 1393, il a fallu plusieurs centaines de milliers d’ouvriers pour venir à bout de ce chantier pharaonique (mélange de civilisation, oui je sais, j’assume !).
J’ai trouvé (presque par hasard, en entrant dans un parc public), un accès à une portion de rempart qui jouxte un lac maintenant dédié au loisir.
Après avoir parcouru un terre-plein sur deux cent mètres, j’ai franchi une deuxième porte bien imposante elle aussi, qui pouvait être fermée par d’imposantes portes de fer.
Arrivée dans ces hauteurs, j’ai cheminé dans la belle lumière de ce jour, profitant de la nature qui se réveillait d’un long hiver et des vues imprenables sur la ville.
Au détour suivant de ce chemin sinueux, je me suis retrouvée confrontée à la ville moderne, riche de toutes ces architectures verticales d’acier et de verre, qui rongent peu à peu les vestiges du passé. Sur ce point, nous sommes bien différents, les Chinois et nous, pour eux il n’est rien d’immortel ou de figé, tout doit avancer, le monde est en mutabilité permanente et faire coexister cette ancienne muraille avec des édifices qui sont leurs cadets de plus de 700 ans ne pose pas de problème.
Et puis, un crochet plus loin, voilà cet immense lac qui s’invite dans mon horizon.
Plus j’avance et plus ces nouveaux buildings se font immenses. Avec, comme j’ai pu le voir bien des fois, des grues, le plus souvent à l’arrêt, reflet de cette crise immobilière qui parcourt le pays.
Ne vous méprenez pas, cette enceinte n’est plus tout à fait de l’époque Ming, elle a été restaurée bien des fois au cours des âges mais avec un procédé de restauration tout à fait particulier. En effet, les briques provenaient de cinq provinces chinoises et portaient l’indication de la province d’origine, qui devait les remplacer si elles cassaient : une belle manière d’en garantir la qualité, surtout dans un pays où perdre la face publiquement est le pire qui puisse vous arriver !
En chemin, je croise ce petit pavillon presque folklorique, qui n’a plus rien à voir avec l’époque Ming, mais me semble bien pimpant.
Au bas, au travers des arbres qui me font presque un rempart :-), je vois toute la foule des vacanciers locaux qui attendent une navette. Je me sens alors seule et libre.
J’arrive bientôt à la fin de mon périple, qui était calme et beau. Un virage de la muraille me permet de l’apercevoir dans toute l’imposante grandeur de sa pierre grise et rugueuse.
C’est d’ici que je peux mieux vous montrer ces embarcations festives, pour lesquels les gens faisaient la queue pour rejoindre la navette. Vous pouvez, le temps d’une balade sur l’eau, vous transformer en joli canard jaune kawai, en poisson clown (bravo Disney) ou même en flamant rose.
En descendant de mes hauteurs, j’ai retrouvé la vie normale d’une ville chinoise pendant le Nouvel An.
FB
Merci pour cette agréable promenade.