Vendredi 18 mars, une tempête de neige s’est abattue sur Pékin, nous glaçant à nouveau jusqu’aux os (j’ai même laissé mon vélo sur place, je n’étais pas suffisamment équipée pour rentrer chez moi…).

Et puis, la transition (pas énergétique mais climatique, restons modestes) est arrivée avec sa brutalité habituelle. Chaque année, c’est surprenant, ce week-end le printemps pointait déjà son nez. J’avais quand même une pensée triste pour mes amies les fleurs, qui m’avaient accompagnée tout le printemps dernier, dans une chronologie immuable, d’abord les cerisiers et les magnolias, puis les lilas, les tulipes, et puis les roses. Je pensais les premières ensevelies sous la neige.
Mais j’avais sous-estimé la résistance de la nature. Ici il faut se battre pour s’en sortir, dans ce climat rude qui enveloppe plantes et humains (et animaux, mais eux, comme vous l’aurez noté, on leur met des chaussures et des manteaux..).
Et dimanche, lorsque j’ai pris mon vélo pour une excursion dominicale, les arbres avaient déjà pris leur revanche sur l’hiver avec un dédain qui force le respect.
J’avais choisi d’aller visiter le Palais du Prince Gong. En chemin j’ai ourlé de mon parcours les lacs que j’adore et dont je vous ai parlé déjà, ce palais est leur voisin.
Sur près de six hectares, il se compose de deux parties, les habitations (environ 40 bâtiments), devant, et le jardin à l’arrière (à titre de comparaison le jardin du Palais Royal à Paris totalise 2 hectares). Tout est construit selon les règles du Feng Shui (风水 – littéralement vent et eau), art d’agencer les différentes énergies au mieux dans un habitat. Car la partie habitat est parfaitement symétrique, organisée autour de trois axes nord – sud, qui recoupent cinq niveaux de bâtiments, tous agencés autour d’une cour, comme souvent ici.
Nous allons retrouver ici les motifs décoratifs que nous connaissons bien, nous qui avons déjà visité bien des temples et des palais dans la capitale (moi, et vous, mes lecteurs, qui m’accompagniez). Mais à une différence près, ce Palais, de l’époque Qing, construit à la fin du XVIIIe siècle, laisse encore voir des parties anciennes, c’est le mieux préservé des palais bâtis à cette époque et le seul ouvert au public en Chine.
Il fut bâti en 1776 pour l’agent judiciaire préféré de l’Empereur Qianlong, He Shen, qui fut condamné à mort sous l’Empereur suivant, Xianfeng. Le palais, confisqué, fut attribué au frère de Xianfeng, le Prince Gong, ministre impérial de 1852 à 1898.
Transformé pendant la Révolution Chinoise successivement en école pour filles, dortoir d’un ministère et usine de ventilateurs, il a été finalement déclaré patrimoine national en 1982 et ouvert au public en 1988. Résilience des bâtiments…
Ce qui m’a frappé ici (je fonctionne en différence par rapport à tout ce que j’ai déjà vu), au-delà de l’impression de l’ancien (nous y tenons, en Occident !), c’est l’art des coins et recoins. Des perspectives toujours renouvelées, mêlant nature et architecture. Avec toute la beauté du télescopage des motifs et textures.
Vous pouvez facilement vous perdre dans ces méandres qui jouxtent les bâtiments. Toutes ces coursives où le soleil joue à cache-cache avec les pierres et les bambous, illuminant les couleurs vives des constructions. Cela invite à une méditation en retrait de l’agitation ambiante, dans des décors plus beaux les uns que les autres (si l’on fait abstraction de la foule touristique du week-end, si vous le pouvez, choisissez un autre jour qu’un des premiers dimanches de printemps !). Avec la paix des bambous en sus.
Bien des détails d’architecture sont indices du raffinement de l’ensemble.
Il est facile de se perdre dans ces circulations, mais le plan rigoureusement symétrique de l’agencement vous ramène assez vite sur le droit chemin. Pour aller à la rencontre d’autres magnifiques bâtiments dressés contre le ciel bleu.

Et puis le voilà, ce jardin, tout au nord du palais, qui étend sur près de 3 hectares ses concrétions rocheuses, ses pavillons et ses bordures florales et arborées. Il porte le nom de jardin Cuijin (萃锦), que l’on pourrait traduire par « rassemblement de personnes (ou objets ?) belles et étincelantes » et représente donc la même surface que la partie habitation que nous venons de laisser au sud.

C’est un jardin contenu, un peu comme les parcs à la française qui jouxtent les châteaux de l’ancien temps en France, tout en ordonnancement et discipline.
Ponctué de bâtiments (ici un temple), c’est finalement un ensemble qui ressemble à ce que nous venons de parcourir et qui laisserait la nature entrer plus généreusement, mais sans lui laisser la bride sur le cou.

Les fleurs nouvellement écloses étaient quand même présentes pour accompagner mon chemin dans tout cet univers de bâtiments et de pierres d’apparat, c’est quand même un jardin !

Le centre névralgique (et d’attraction) du jardin est cette pièce d’eau habitée par un pavillon qui semble comme un bateau sur l’onde. Un endroit fait pour la méditation heureuse.

Bien sûr nous n’aurons pas échappé aux nombreux selfies devant les arbres en fleur.
J’ai assisté ici à un phénomène nouveau, des personnes qui racontaient le site sur leurs téléphones, comme pour poster leur itinéraire dans le lieu. Sûrement pour acquérir plus de « followers ». Mais aussi pour faire partager leur visite. Etonnant.


Les fleurs ont continué çà et là à m’accompagner dans mon périple, elles déployaient leur splendeur colorée, les forsythias, les magnolias, les cerisiers, toutes étaient au rendez-vous de cette belle première journée de printemps.


Mais toute cette floraison, aussi exubérante soit-elle, ne faisait pas oublier que nous étions dans un (très beau) jardin policé, organisé avec ses concrétions pierreuses propres aux jardins de ce pays.

Un des « clous » de la visite est le grand théâtre adjacent au jardin, où se jouent encore, m’a t-on dit, des spectacles. Ce doit être magnifique, comme un transport dans un autre temps.
Les très belles perspectives que nous avons déjà vues dans le quartier des habitations, côtoyées de bambous, se font encore voir ici.
Juste avant de sortir, je croise cette machine curieuse qui elle aussi a revêtu des habits de printemps.
Une belle découverte dans ce quartier qui me ramène à lui presque systématiquement, je veux parler des abords des lacs, dont j’ai déjà eu l’occasion de faire la louange sur ce blog.
FB
De magnifiques découvertes, et une écriture si élégante! Merci à vous
Nous avons les mêmes floraisons printanières, et les arbres divers en campagne ont verdi tout à coup.
amicalement
Bien belle demeure à nouveau, à l’histoire mouvementée et sans doute pleine de coursives et de courants d’air (pas étonnant que l’on y installa une usine de ventilateurs) 😉
Merci pour ce beau partage.
Super article vraiment passionnant, merci à toi pour cette découverte 🙂 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Mood-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 🙂