Dimanche dernier, le temps s’était mis à la pluie, l’heure n’était plus aux jardins ou aux flâneries dans les rues. J’ai décidé d’aller dans le quartier de Gaobeidian (高碑店), car je dois déménager bientôt et c’est là que vous pouvez trouver bien des magasins de mobilier, dans l’est de la capitale.
J’ai vu qu’il y avait, en proximité de ma destination, ce musée bien intrigant et j’ai décidé d’aller faire une visite (inutile d’ajouter que j’ai adoré le nom !). Comme d’habitude, essayer de réserver à l’avance était voué à l’échec pour les détenteurs d’un passeport étranger, mais se présenter à la porte suffisait pour obtenir un ticket d’entrée. (A chacun de mes billets, je cherche à vous faire partager mon quotidien, que je continue à trouver merveilleux et parfois incompréhensible].
Ce musée présente des meubles ou ouvrages de bois, un peu comme si ce quartier s’était voué à une thématique unique, art et shopping réunis dans ce petit coin de la capitale.
Le hall était déjà en lui-même une splendeur. Beauté des luminaires qui me surplombaient dans des entrelacs raffinés, et puis ce trône d’or tout à fait inédit et impressionnant (peut-être une reproduction, ici les cartons étaient rares…).
Avant d’en venir aux collections, soulignons l’esthétique et l’harmonie du lieu lui-même. Aéré, au plan simple et très harmonieux, il déploie des circulations elles-mêmes bordées de magnifiques ouvrages de bois. Il n’y avait personne, ce superbe musée n’étant à ma connaissance répertorié dans aucun des guides auquel j’ai eu accès. Tout était calme et propice à une visite en immersion dans ce nouvel univers, peu connu de moi (je fais ici une incise, j’ai remarqué que, dans les musées et les expositions, ma capacité à garder une trace de ce que j’ai vu est indexée sur la tranquillité du lieu ; ainsi, j’ai arrêté de fréquenter certains lieux, comme le Grand Palais à Paris car, peu importe l’intérêt que je porte à ce qui est montré, mon attention est distraite, je consacre bien de l’énergie à essayer de voir les objets/toiles et il en m’en reste rien ; j’ai d’autant plus apprécié ce moment).
Les collections occupent quatre étages, du premier au cinquième (si vous comptez bien, vous me direz que cela fait cinq, vous avez raison mais ici le quatrième étage a été oublié, car le nombre quatre porte malchance).
La Chine est reconnue pour son artisanat de bois, les savoir-faire dans l’architecture pour les structures à ossature de bois ont été inscrits en 2009 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Dès la dynastie des Tang, à partir du VIIe siècle, les meubles en bois ont connu un premier développement, qui s’est accéléré ensuite. Ce que j’ai vu ici relève plutôt des dynasties ultérieures, principalement Ming et Qing, je suppose (l’absence de cartons déjà mentionnée m’incite à la prudence).
Dans tous les cas, ce que j’ai vu ici était impressionnant dans la virtuosité de la façon et dans la beauté du résultat. J’ai vraiment eu l’impression de côtoyer des chefs d’oeuvre, dessinés avec minutie pour des empereurs ou de nobles personnages, voire de m’immiscer dans leur quotidien de decorum. Certains m’ont également fait penser à ces autres « chefs d’oeuvre » réalisés par les Compagnons du Tour de France, ces objets extraordinaires produits par ces jeunes artisans à la fin de leurs études.
Au dernier étage, vous pouvez voir des échantillons des bois précieux qui ont servi à construire les meubles que nous allons voir. Je vous laisse réviser, comme je l’ai fait !
Commençons par ces armoires et ces paravents en bois de santal rouge. Gravés de motifs saillants, presque en forme de bas-relief, qui semblent sortir du corps du meuble pour exister en tant que tels et sont chargés de significations heureuses, longévité, bonheur, prospérité et richesse.
Et puis, pour mieux nous immerger dans ces intérieurs aisés des temps passés, je croise la reconstitution d’un salon de réception de l’époque Qing, toute une symétrie où l’harmonie est pensée jusqu’aux plus petits détails. Nous imaginons une famille aisée recevant des officiels ici, en leur offrant le thé, avant de les conduire jusqu’à la salle de banquet. Ou ce serait aussi le lieu d’une demande en mariage formelle unissant deux grandes familles. Qui sait ?
Encore plus formel et impressionnant, une salle de trône, avec ce panneau de bois entièrement gravé qui abrite le trône, lui-même très orné. Au passage, j’ai adoré les éventails en plumes de paon…
Un ensemble de sièges autour d’une table en forme de prune retient également mon attention, ils sont ornés de bois de loupe qui fait un contraste assez saisissant, je dois dire avec la noirceur du bois.
Inédites pour moi également, ces très belles armoires de santal rouge, entièrement gravées de caractères en nacre.
Et je vous montre aussi un exemple de ces meubles qui servaient à déployer les objets précieux, sûrement pour impressionner les hôtes. J’adore leur aspect un peu instable, comme un déséquilibre du meuble qui ferait finalement place à une harmonie d’ensemble.
Et puis ces objets immenses, qui feraient presque un peu peur vu le gigantisme du projet. Comme reconstituer la Porte Yongdingmen, l’une des portes de la Cité Interdite, en plaquettes de bois de santal rouge.
Ou le Temple du Ciel, autre monument célèbre de Pékin, en une maquette qui occupe l’intégralité du dernier étage.
Je dois dire que je ne m’attendais pas à cela, j’ai été saisie par la belle harmonie de ces objets, déambuler dans ces allées, avec tout ce bois précieux qui m’entourait de sa beauté immuable, c’était une vraie expérience que je ne peux que recommander.
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