Cinémas – Benedikt ERLINGSSON : Woman at war (2018)

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Au début de ce film atypique, nous voyons une femme, vêtue comme une guerrière, arc en main, plantée, comme verticale, dans ce magnifique paysage islandais, décocher une flèche vers des poteaux électriques. Cet introït donne le ton au film, image splendide, incongruité de la situation, quelque chose de décalé nous attend.

Halla, Islandaise, a décidé de saboter les lignes électriques qui alimentent l’usine d’aluminium que détient l’entreprise brésilienne Rio Tinto, pour empêcher l’alliance de cette dernière avec les Chinois, en montrant les défaillances de son pays. Professeur de chant, à l’apparence bourgeoise et rangée, elle devient alors l’ennemi public numéro un. Ajoutons à cela que, vivant seule, elle cherche à adopter et qu’une petite orpheline ukrainienne lui a été proposée, ces deux motifs entremêlés nous permettant de voir ce personnage de femme dans sa complétude.

C’est une oeuvre multiforme, qui semble ne pas se prendre au sérieux et distille pourtant bien des messages, l’air de rien. Une cocasserie retenue la sous-tend, portée par la mise en scène très étudiée, mais aussi par des notations comme cet orchestre ou ce groupe de chanteuses de l’Est qui s’installent dans sa proximité, jusque dans son appartement, pour mettre une note incongrue dans ce qui pourrait être un film dramatique.

Au-delà de cette apparence presque joyeuse (c’est un drame assez gai, dirons-nous), le film nous parle d’égalité hommes/femmes, au travers de Halla, qui empoigne la vie et affronte les travaux physiques induits par sa quête comme nous l’attendrions d’un homme, qui adopte seule et ne semble pas avoir besoin d’une « moitié » pour se sentir entière. Il effleure le sujet du racisme, quand ce touriste hispanophone ne cesse d’être houspillé par la police, wrong man in the wrong place, chaque fois qu’un incident se produit (allégorie des migrants ?). Et il a pour centre une charge contre le capitalisme effréné qui met à mal la nature ; quel autre pays que l’Islande, contrée sauvage aux magnifiques paysages préservés et pourtant si évoluée économiquement, pouvait nous donner cette leçon de manière si cohérente ? Pour renforcer le côté politique de son film, le cinéaste inclut en annexe certains motifs très signifiants, comme les photos de Nelson Mandela, qui accompagnent l’héroïne dans ses actions, ou ces extraits de reportages télévisés sur la responsabilité de l’homme dans la destruction écologique de la planète.

Pour incarner cette femme, l’actrice Hallora Geirhardsdottir fait merveille. Affrontant aussi bien les scènes intimistes que les moments vraiment physiques, ceux où elle parcourt la lande battue par les éléments, en fuite, pareille à une héroïne de Fantasy (la scène où elle affronte le drone, voir image, m’a fait penser à une séquence du Seigneur des anneaux où une princesse, Eowyn, affrontait sur le champ de bataille une créature maléfique redoutable, le Morgul). Le titre du film prend avec elle toute sa résonance, c’est une guerrière, libre et responsable de ses actions qui nous est montrée là.

Très bon film, surprenant et abouti.

FB