Le métro de Moscou est l’un des plus important du monde, plus de 305 kilomètres et 185 stations. Mais ce qui en fait la particularité est la volonté de l’Etat d’en faire quelque chose de spectaculaire sur le plan architectural.
Les premiers projets remontent à l’Empire russe, mais c’est le Gouvernement soviétique qui prend la décision de la construction en 1931 et la première ligne est ouverte en 1935 ; les travaux ont continué pendant la Deuxième Guerre Mondiale et n’ont cessé depuis.
Passage obligé, d’après moi, pour tout visiteur dans la capitale russe, le métro dévoile au gré de différentes stations des beautés souterraines insoupçonnées. Mêlant esprit fastueux d’un baroque intemporel revisité et réalisme socialiste, il célèbre la grandeur de l’U.R.S.S., au travers de l’exaltation des travailleurs et soldats qui ont fondé et soutenu le pays. Marbre, labradorite, granit, bronze et autres matériaux venus de tout le pays (Caucase, Karélie, Crimée, Oural et Altaï principalement) dessinent une architecture hiératique, à l’instar des belles églises orthodoxes qui peuplent la surface de la ville. Car nous sommes d’après moi dans de véritables lieux de culte dédiés au Communisme soviétique et ces images, ces piliers, ces immenses voûtes sont là pour jouer le même rôle que l’iconographie des édifices religieux, à savoir inspirer un sentiment de grandeur, susciter le respect et inculquer les valeurs soviétiques au peuple.
Reposant sur une quadrilogie symbolique, c’est un Art véritable qui s’est créé ici, dans sa spécificité (que nous pouvons retrouver dans d’anciens pays sous domination soviétique, l’Albanie par exemple). Comme déjà évoqué, il s’inscrit dans une lignée historique, celle de l’époque antérieure, en reprenant les antiennes, dorures, matériaux raffinés, grandeur des espaces répondant à l’immensité du pays ; nous retrouvons ici le faste des Tsars et de leurs palais (Mao a fait la même chose en Chine, en choisissant comme couleur phare le rouge, symbole du bonheur et de la chance, abondamment utilisée par les Empereurs chinois ; nous pourrions également citer l’annexion par les évangélisateurs catholiques en Gaule des lieux sacrés autochtones : loin de refuser le caractère sacré d’une fontaine ou d’une forêt, ils l’ont revêtue d’une aura chrétienne). C’est là tout le génie de ce régime, d’avoir su s’inscrire en continuité tout en prêchant la rupture (en art, tout du moins 🙂 ).
En second lieu, cette iconographie repose sur l’idée d’une (ou de plusieurs) adversité(s) externes contre lesquelles il faut lutter : l’ennemi allemand, les contre-révolutionnaires, la faim, la mort, toutes choses qui doivent rapprocher les femmes et hommes russes dans un combat commun. D’où la figure omniprésente du soldat ici.
C’est également une exaltation du progrès, sous l’angle réduit du progrès technique et scientifique : armes modernes, aviation voire conquête des étoiles plus tard, tracteurs et autres machines-outils, tout cela est célébré ici, comme pour souligner le hiatus avec un obscurantisme industriel qui aurait précédé.
Pour réaliser ces ambitions, il faut mettre en avant le corps comme force de travail (ou d’enfantement, l’enfant pouvant également être considéré comme une « production »), ce qui permet de remplir un objectif double : valoriser l’assise « électorale », le petit peuple qui vivait de la force de ses bras et également de rendre accessoire l’esprit et la pensée, par lesquels peut advenir la contestation (c’est le « in corpore sano » qui est recherché, plutôt que le « mens sana » – Juvénal pour la citation). D’où le triomphe des athlètes, dans un mouvement qui persistera longtemps, voir les médailles aux Jeux Olympiques du XXe voire du XXIe siècle.
Toutes ces tendances se retrouvent dans la peinture et dans la sculpture de l’époque. Je vous livre ici quelques oeuvres vues à la Galerie Tétriakov à Moscou. Ce qui vous interpellera peut-être est l’intemporalité de cet art, difficile à dater pour nous, car paraissant presque immuable entre les années 1940 et 1980, offrant une apparence de réalisme figé dans sa forme au long des années.

Boris Kustodiev – Les Bolchéviks (1920)

Vera Mukhina – Travailleur d’usine et fille des champs (1936)

Alexander Deineka – La défense de Pétrograd (1964)

Impossible de retrouver le nom 🙂 – la toile s’intitule « Tennis », 1968

Sergey Grigoryev – Gardien de but (1949)

Vladimir Vasilyev – Démobilisée (1949)

Tatiana Yablonskaya – Blé (1949)

Fyodor Bogodorodsky – Gloire aux héros tombés sur le champ de bataille (1945)

Andrei Bocharov – Foreurs (1964)

Nicolay Andronov – Les marins (1960-1961)

Viktor Popkov – Les bâtisseurs de Bratsk (1960-1961)

Arkady Plastov – Les foins (1945)

Yuri Korolev – Frères du Cosmos (1981)
Allez, je vous entraîne pour une balade dans les stations que j’ai visitées (mais l’expérience prouve que bien d’autres recèlent des trésors, n’hésitez pas à faire des incursions libres dans ce dense réseau). A noter également, il faut aller voir les quais des autres lignes lorsque la station comprend des correspondances.
Parc Koultouri (парк культуры)
Oktyabrskaya (октябрьская)
Taganskaya (таганская)
Komsomolskaya (комсомольская)
Sokolniki (сокольники)
Krasnie Vorota (красные ворота)
Mayakovskaya (маяковская)
Dinamo (динамо)
Sokol (сокол)
Novokusnetskaya (новокузнецкая)
Pavelievkaya (павелевцкая)
Kievskaya (киевская)

Amitié sino-russe
Smolenskaya (смоленская)
Arbatskaya (арбатская)
Ploshchad Revolyutsii (площадъ революции)
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