Théatre – Jean RACINE : Phèdre, Comédie française (2013)

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Un peu à l’instar des héros et héroïnes de Racine, je dois être maudite. Il faut tout d’abord que je vous avoue que j’adore cet auteur, sa langue si belle et si intrinsèquement musicale. J’avais vu ces dernières années, deux pièces à la Comédie française, mises en scène par Muriel Mayette, Administratice générale de l’Institution, « Andromaque » et « Bérénice », que j’avais trouvé fort ennuyeuses, le parti-pris de la mise en scène étant de jouer tout en retenue (comment jouer Andromaque tout en retenue, me direz-vous ? Et bien cela ne fonctionnait pas, d’après moi, et ce malgré le talent de Cécile Brune en Andromaque).

Quelle ne fut pas ma joie de voir que, pour la saison actuelle, un artiste grec, Michael Marmarinos, reprenait le flambeau, ouvrant sur de nouvelles perspectives. Je suis donc allée voir « Phèdre », une des oeuvres les plus accomplies de l’auteur, en toute confiance et ouverture.

La pièce nous donne à voir un magnifique personnage féminin, pris dans une spirale fatale, sans recours. Epouse de Thésée, reine, elle tombe amoureuse de son beau fils, Hyppolite, qui est lui-même épris d’une princesse ostracisée, Aricie, confiée à la garde de Thésée. Lorsque commence l’intrigue, aucun de ces amours n’est révélé, mais la mort prétendue de Thésée va déclencher des aveux sans retour. Lorsque Thésée revient sain et sauf, tout se déchaîne, jusqu’à la mort de son fils et de sa femme.

Encore une déception qui m’attendait… Je vais quand même essayer de tirer de ce spectacle quelques point positifs avant d’évoquer ce qui m’a déplu.

Elsa Lepoivre, déjà remarquée dans « La place royale » de Corneille, l’an dernier, joue avec conviction son rôle de Phèdre, même si nous aurions aimé plus de fluidité (la faute à la mise en scène, nous y reviendrons). Il faut ajouter qu’elle est très belle et qu’elle endosse à merveille la grandeur de l’héroïne. Le décor est sobre, une maison ouverte sur la mer, avec de beaux éclairages. Nous sommes ravis de retrouver Clotilde De Bayser en Oenone (la nourrice et confidente de Phèdre). Benjamin Lavernhe, Eric Genovese et Samuel Labarthe sont également très bien.

Le problème est posé par le parti pris de Michael Marmarinos pour sa mise en scène. Pourquoi ne pas faire confiance à la pièce, à sa musique, et vouloir absolument faire exister autre chose, au risque de saccader le texte ? C’est ce qui se passe ici, sans que j’ai pu comprendre la finalité des effets qui nous sont proposés. Ce micro, par exemple, qui doit permettre, je pense, de faire ressortir des moments jugés particulièrement dramatiques (la déclaration d’Hyppolite à Aricie, le récit de la mort d’Hyppolite), mais qui ne parvient qu’à casser le texte, où tout est important. Et puis cette agitation hors de propos, à contretemps des moments forts de la pièce : pourquoi faire courir Aricie sans cesse, dans les scènes qu’elle habite ? Certes, cela peut être une allégorie de son désir de fuite, elle, la captive dont les frères ont été tués. Mais, amplifié par une actrice à la limite de l’hystérie, qui déclame ses vers toujours sur le même ton, sans aucune nuance (à tel point que nous pouvons ne pas comprendre qu’elle est éprise d’Hyppolite – si j’étais Hyppolite, c’est moi qui serait en fuite devant cette jeune fille ;-)). Gênée par ces aspects parasites, j’ai eu du mal à accepter les autres procédés, comme cette radio qui fait de temps à autre une  irruption sonore.

Je pense que je vais relire le texte en solitaire, pour en savourer pleinement la musique.

FB