Cinémas – James CAMERON : Avatar, la voie de l’eau (2022)

Je dois d’abord dire, avant de commencer à parler de ce film, que j’ai une grande admiration pour James Cameron, ce cinéaste assez personnel, même si les formats plutôt grand public de ses films tendraient à nous faire penser le contraire, qui sait nous faire partager des univers différents, souvent teintés de merveilleux, avec une « patte » reconnaissable entre toutes. Sûrement acharné du détail, pour que tout fasse réaliste dans ces univers dystopiques ou historiques, il nous livre des mondes entiers, pensés d’un bout à l’autre dans leur cohérence et leur rationalité. Une autre caractéristique de ces oeuvres est le lyrisme, le souffle, pourrait-on dire, qui emporte le spectateur d’un bout à l’autre du film. Des histoires teintées d’humanité, une humanité à l’heure des grands choix, confrontée à la lutte ancestrale entre le Bien et le Mal.

Dans les opus, finalement assez rares, de ce metteur en scène, je retiendrai « Abyss » (1989), une histoire d’amour fou sur fonds d’aliens poétiques, « Titanic » (1997), bien sûr, un chef d’oeuvre d’après moi, la série des « Terminator » très aboutie également et puis, en 2009, ce premier volet d‘Avatar qui nous avait bien surpris.

Il est bien difficile actuellement de voir une oeuvre de science-fiction (ou de fantasy, je ne sais quel est le mot adapté ici) intelligente, tellement nous sommes surplombés par la pesanteur sans imagination des Marvel, suites de Marvel, re-suite de Marvel, re-re-suite de Marvel… Des films dont l’aspect le plus saillant est le budget, comme un hit-parade financier totalement disjoint de la qualité des oeuvres, où la capacité à suborner certains bons acteurs pour qu’ils viennent anéantir leur talent dans ces « blockbusters » (le nom me paraît tellement bien choisi, il montre bien l’absence de subtilité dans tout ça) devient un passage obligé. Combien d’Avengers, de Black Widow, de Thor et de Captain America ont pris possession du genre et des écrans, pataugeant dans la lourdeur de leurs mécanique, un peu comme l’albatros si cher à Baudelaire.

J’en viens maintenant à ce film, que j’ai tout simplement adoré. Dans cette admiration que je vous livre ici, la comparaison avec les films cités ci-dessus a bien sûr joué.

Dans l’opus précédent il était question de reconnaissance de la différence et d’un apprentissage de la tolérance, entre les Humains et les Na’vi, cette peuplade de la planète Pandora. Certains humains, comme Jack Sully, officier, ou Grace Valentine, scientifique, avaient fait le choix de rester avec le peuple Na’vi, tout le film tournait autour de cette question, la capacité à s’ouvrir aux autres pour faire le choix entre le Bien et le Mal, choix qui transcende les races et les mondes.

Ici, si ce sujet reste d’actualité, il n’est plus central. Bien sûr, nous assisterons à des chocs de civilisation, comme entre Jack Sully et sa famille, Na’vi de l’air et les Metkayina, peuplade Na’vi de l’eau et à l’apprivoisement réciproque de ces deux peuples. Et surtout, avec les Terriens, clairement les méchants ici, qui voulant coloniser la planète à tout prix, après avoir ruiné la Terre (un clin d’oeil vers l’éco-anxiété actuelle) n’ont aucun scrupule à programmer l’assassinat du chef de la résistance, Jack Sully, pour avoir les mains libres. Notons déjà ici qu’il s’agit d’une inversion par rapport à bien des films incluant des espèces extra-terrestres, dans lesquels les Humains sont les porteurs des vraies valeurs de Bien.

L’axe principal ici est à mon avis la famille. C’est l’histoire d’un clan à laquelle nous assistons, avec ses dissensions internes, ses affinités, ses dilemmes, avec des meneurs et puis d’autres qui ont du mal à trouver leur place dans cette cellule. Ce focus est annoncé dès le début, Jack Sully fera un choix compliqué entre son peuple et sa famille et choisira cette dernière, pour emmener son clan dans un univers différent ; le soldat, chef de clan est devenu avant tout un père.

J’ai trouvé fascinant cette manière tellement emplie d’humanité (de Na’vi -ité ?) de montrer la force des liens du sang, sujet traité bien souvent (le thème du héros dont on menace la famille et qui passe tout le film à la sauver est un motif assez classique) mais qui prend ici un relief nouveau.

Ils sont bien agaçants, au départ, tous ces enfants, qui n’ont de cesse de faire les quatre cent coups, désobéissant aux ordres pourtant très stricts du père et mettant tout le monde en danger. Avant d’être des héros, ce sont des adolescents qui vont toujours (un peu) trop loin sans se rendre compte des conséquences. Et il y a aussi ceux qui ne se sentent pas intégrés et s’isolent, prenant plus de risques que les autres dans leur quête d’aventure (Kiri et Lo’ak). Les parents ne cessent de les secourir, parfois au péril de leur vie.

Et puis, à la fin du film, ce sont ces enfants, qui, justement parce qu’ils ont fait des expériences différentes dans ce nouveau monde de l’eau, qui vont sauver leurs parents. Comme si le film nous racontait en une sorte d’accéléré le déroulement de la vie, où arrive un moment d’inversion où ce sont les enfants qui commencent à prendre soin des parents.

Je ne parlerai pas du destin de Spider et de son père, pour ne pas « spoiler », mais je trouve cela également éclairant sur la représentation des liens du sang ici et sur l’absence de manichéisme du cinéaste.

Dans ce contexte, je ferai une mention aux femmes, elles ont une place spéciale ici, elles donnent la vie en harmonie avec la nature (magnifique scène qui voit la chef du peuple de l’eau, enceinte, chanter avec un Tulkun femelle, un immense poisson qui vient de donner la vie) ou la sauvent (épisode où la chef du peuple de l’eau soigne Kiri avec des rituels ancestraux connus d’elle seule) mais elles peuvent se transformer en guerrières redoutables si l’on s’en prend à leur famille, comme le moment où Neytiri donne libre cours à sa colère pour devenir une vraie déesse de vengeance, sans merci. Ce sont elles qui ont la connexion au monde qui les entoure et qui le comprennent le mieux, comment évoluer dans l’eau, comment guérir les gens, comment utiliser les pouvoirs de l’eau pour sauver.

Bien sûr, je n’oublie pas la beauté spectaculaire et pourtant sans excès des effets spéciaux, le rythme de l’histoire tellement juste qu’il nous permet de rester sur notre siège plus de trois heures sans ennui aucun.

Je garde en tête ces scènes de toute beauté, notamment celle illustrée par l’image que j’ai mise en exergue, la danse gracieuse et heureuse d’un poisson mutilé avec un enfant qui se sent rejeté par les siens, l’union de ces deux êtres maltraités par la vie est d’une grande beauté.

Bref, un film sur la tolérance de l’autre (au sein de la famille, entre les peuples) qui m’a emportée.

FB