Pékin – Lacs (2022)

Ca y est, enfin ! La Chine a abandonné peu à peu cette foutue politique « dynamique 0 Covid ». Comme souvent en Chine, tout s’est fait très rapidement 太快 voire dans une certaine précipitation, sous la pression conjuguée de trois facteurs :

  • La révolte des habitants : le point de déclenchement a été cet incendie dans un immeuble à Urumqi 乌鲁木齐, la capitale du Xinjiang (non je vous arrête tout de suite, les personnes concernées étaient plutôt des Han que des Ouigours). Des vidéos affreuses ont circulé un temps (court) sur les réseaux sociaux, avant d’être censurées. Elles montraient que, dans ce quartier confiné depuis plus de 100 jours, avec cadenas sur les issues de secours et encombrements devant les accès, des personnes hurlaient pour que l’on ouvre les portes. 14 morts déclarés et 10 personnes en situation respiratoire grave, cela a fait une onde de choc dans la population. Des manifestations ont eu lieu à Pékin (Rue Urumqi), à Shanghai et à Urumqi même. Et, au-delà de ce faits divers atroce, un mécontentement traversait déjà toutes les strates de la population, ouvriers bouclés dans leurs usines, paysans détruisant leurs récoltes devant l’impossibilité de les acheminer vers les villes, étudiants sur les campus… Dans l’entreprise où je travaille, sur 170 salariés, seuls 12 d’entre eux n’ont pas été en confinement individuel, imaginez…
  • La vision d’un ailleurs où l’on vit mieux : tout le monde a vu le Président à Bali, sans masque, serrant des mains. Mais le fait majeur a été la Coupe du Monde, tous ces gradins où les gens s’embrassaient, ignorant à peu près tout des gestes barrière. La télévision chinoise a fait ce qu’elle a pu pour éviter de montrer des plans sur les spectateurs, c’était quand même bien compliqué.
  • L’augmentation exponentielle des cas à Pékin : c’est mon avis personnel que je donne ici. Quand je vois la fulgurance avec laquelle l’épidémie s’est répandue (en moins de dix jours, je pense que la moitié de la population de Pékin, 21 millions d’habitants, a été infectée – dans mon entreprise, déjà presque 70 personnes sur 140), j’ai des doutes sur les derniers chiffres donnés par les Autorités juste avant le relâchement, car ils avouaient tout juste 4000 cas quotidiens… Je pense que plus personne ne maîtrisait rien.

Bref, en deux semaines nous passons dans une autre phase de manière assez violente, je dois dire. Mais nous allons vers le mieux, je me sens tellement soulagée. Plus de menace d’être envoyée à l’hôpital ou en quarantaine à l’hôtel, cela change vraiment tout, vous pouvez me croire.

Pourtant nous sommes en phase de transition, les rues de Pékin se sont vidées, sillonnées presque uniquement par des livreurs. Entre les personnes malades et celles qui ont peur (depuis 2020 on leur explique que le virus est horrible, les rares malades ont perdu leur travail ou se sont fait harceler sur les réseaux sociaux, nous pouvons comprendre leur méfiance), tout le monde reste chez soi.

Et la ville est à nous, nous les audacieux, qui avons décidé que ces mesures étaient bonnes. Après cette introduction, qui visait à vous donner un peu de contexte, j’en viens à ma promenade. Amollie par une longue période de travail à domicile, suivie du Covid (et oui, je l’ai eu, bien sûr, comme tout le monde), j’ai décidé de braver l’hiver (-6°) pour faire une longue balade à vélo le long de ces lacs que j’aime tant.

Je vais vous faire partager la beauté de ce jour froid.

Ma première halte est pour saluer ces deux tours jumelles, la Tour du Tambour et la Tour de la Cloche, qui se font face en bordure des lacs. Elles tracent comme une ligne entre ce quartier commerçant qui s’est mis au goût des Occidentaux (très fréquenté par les Chinois au demeurant) à l’est et ces étendues d’eau qui traversent la ville à l’ouest. Elles sont un jalon presque central dans l’axe impérial qui parcourt la capitale, jusqu’à la Cité interdite et la Place Tian An Men au sud et jusqu’à la Cité olympique au nord. Un parcours historique de 14 kilomètres.

Dans le soleil glacé de l’hiver, elles ont l’air bien hiératiques, ces tours qui datent de 1272 (avec bien des remaniements ultérieurs), un peu collet monté, comme si elles vous prenaient de haut (je plaisante…).

La Tour de la Cloche 钟楼
Et sa voisine, la Tour du Tambour 鼓楼
Vêtements de travailleurs qui sèchent à l’ombre de la Tour du Tambour, vous noterez les petites stalactiques

J’ai sinué après dans ces hutong qui bordent les lacs, en forme hybride d’habitats populaires et de commerces. J’aime beaucoup ce désordre un peu foutraque qui habite ces rues, avec leurs habitats de plain-pied bordés de toute une théorie d’objets du quotidien, meubles, garde-manger, véhicules…

Il n’y avait pas foule dans les magasins ce jour-là

Au gré de mon chemin erratique, jai croisé ce beau bâtiment aux pulsions de rouge qui se répondaient dans le bleu du ciel.

Et puis, cette ancienne université catholique, fondée en 1913 et fusionnée en 1953 avec l’Université de Pékin.

Bien des lions gardiens menaçant pour assurer la sécurité, nous avons compris !

Des milliers de détails m’interpellent, comme par exemple ces médaillons en façade d’une rue, des dragons qui combattent dans le clair du jour.

Ou ces poissons qui font la ronde à l’abri des lanternes.

Les Hutong (je suis bien placée pour le savoir puisque j’y habite depuis cette année) sont des quartiers très populaires, avec par exemple des toilettes partagées, au milieu desquels se trouvent des habitats rénovés (comme là où je demeure), reconnaissables à ces belles portes de bois. Mélange un peu raide, comme si en France vous alliez vivre au milieu d’une cité dans une maison individuelle de luxe…

Lueur dorée du soleil déclinant

J’aime beaucoup la couleur et la lumière, ici une harmonie ton sur ton un peu incongrue mais assez réjouissante.

J’ai également refait un détour pour voir ce petit temple, fermé, le Temple Guanghua 广化寺, que je viens voir souvent en espérant qu’il s’ouvre un jour. C’était autrefois le siège de la bibliothèque universitaire de Pékin et il abrite aujourd’hui l’Association bouddhiste de Pékin.

Colonnes gravées d’écriture
Avec toujours ces lions gardiens qui ici n’ont pas grand chose à faire vu que c’est fermé

Je vous livre deux autres découvertes architecturales dans mon périple à vélo.

Une porte bien belle et bien intrigante, nimbée des rougeoiements du soleil
Un édifice en bois, assez incongru ici, parcouru des derniers feux du soleil

N’oublions pas le principal, aller voir ces lacs qui n’en finissent pas de se recouvrir de glace pour marquer leur entrée dans l’hiver est quelque chose qu’il ne faut pas manquer.

Qianhai sous la glace
Splendeur des traces gelées sur le lac
Au loin une pagode qui fait semblant de ne pas avoir froid
Des travailleurs qui préparent les futures patinoires, je suppose
Canards dans l’eau et oie debout sur la glace

Et je vous livre pour finir de belles impressions de l’hiver, quand la glace emprisonne tout.

FB