En raison de cette impossible et improbable lutte contre le Covid-19, les temps sont toujours aussi compliqués ici, mais avec des complexités toujours nouvelles, il faut une bonne dose d’adaptabilité et de résilience pour survivre dans ce pays en ce moment.
Le nombre de cas ne cesse d’augmenter dans le pays, avec un épicentre à Canton. Il a donc été décidé de déplacer des populations entassées dans le centre ville vers des lieux en périphérie (j’ai l’impression de voir des médecins hygiénistes français du XIXe siècle à l’oeuvre) ; ce ne sont pas moins de 34 000 personnes qui ont fait le voyage manu militari vers des lieux estimés plus salubres. De grandes manoeuvres absurdes mais en ligne avec la « Politique dynamique 0 Covid » qui réclame maintenant, à la place du « Management statique » (comprenez des confinements durs) des mesures « précises et scientifiques » (sic) car les mesures « one-fits-all », c’est du passé (traduction : finis les grands confinements, place aux mesures ciblées et aux grands déplacements !). NB : j’ai tiré ces expressions de citations très officielles.
A Pékin, alors qu’il est exigé à peu près partout de montrer un résultat de test de moins de 72 heures, le week-end dernier, certains lieux publics ont commencé de leur propre mouvement à demander des résultats de moins de 24 heures, laissant à la porte et en déroute un certain nombre d’habitants. En parallèle, le nombre de stands de tests a décru de manière importante dans certains quartiers (sûrement en raison du coût, qui met certains districts financièrement à genoux), entraînant un grand mouvement de protestation qui commence à porter ses fruits deux jours après (oui, ici tout va très vite).
Donc, nous allons retrouver nos chers centres de tests, ces constructions qui ponctuent nos rues et notre quotidien. Ouf, nous voilà rassurés.

Ce qui laisse d’actualité ce troisième portrait que je voulais esquisser ici.
Celui qui transporte les déchets dangereux
A raison d’un test tous les trois jours, pour 21 millions d’habitants, si je limite mon raisonnement à la seule capitale, cela fait quand même 7 millions de coton tige par jour, auxquels il faut ajouter les petits tubes éprouvettes en plastique, qui regroupent chacun dix tests, soit la modeste somme de 700 000 par jour.
La Chine a affiché de fortes ambitions en termes de neutralité carbone, je ne sais pas combien pèsent ces déchets dans la balance… J’ai lu quelque part que les cotons tiges étaient partiellement faits en Chine à partir du coton végétal de l’intérieur des pamplemousses chinois. Peut-être que nos tests sont « bio » sans que nous le sachions ? Vu que l’opération consiste à vaguement vous chatouiller la langue, pas grand risque de contagion si nous étions en contact avec une substance inconnue et non homologuée.
Il faut donc évacuer tous ces déchets a priori dangereux, cf. la tenue des personnes qui administrent les tests, couvert(e)s de la tête aux pieds d’une bien seyante combinaison en non-tissé blanc, nantis de gants, d’une visière, de lunettes de protection et du très réglementaire masque.
Nous pourrions penser que l’évacuation de ces rebuts, coton-tiges (je pense que le fait qu’ils soient bio ou non ne compte pas vraiment ici), éprouvettes et peut-être gants et bouteilles vides de gel hydro-alcoolique, pourraient exiger des normes de sécurité sanitaire drastiques.
Et bien non. Nous remarquons que le préposé aux déchets ne porte qu’une tenue en non-tissé bleu, qui d’ailleurs baille dans le dos. Les déchets eux-mêmes, à forte potentialité de contamination, qui transportent peut-être un virus tapi dans l’ombre d’un coton-tige ou à l’abri d’un tube de test, sont vaguement enfermés dans de fins sacs poubelle jaunes, ce qui ne nous rassure que moyennement sur la sécurité du convoyage.
Et la suite n’était pas vraiment convaincante non plus, cet homme, transportant ces sacs et conteneurs d’où pourrait s’échapper la plus grave menace sanitaire pour le pays, s’est éloigné du stand d’un air assuré, a posé ses fardeaux sur le siège arrière d’une voiture lambda, a pris le volant et s’en est allé comme si de rien n’était.
Eclairant.
FB