Chine – Quarantaine (2021)

Tout d’abord toutes mes excuses à mes lecteurs que j’ai abandonnés depuis quelque temps, la faute à une défaillance d’ordinateur. Et ici une panne d’ordinateur peut virer au cauchemar, vu la différence des systèmes d’exploitation (croyez le ou non j’ai appelé le revendeur officiel Dell et, outre que personne ne parlait anglais, il m’a été répondu qu’ils ne connaissaient pas les systèmes occidentaux !) .Bref, je retrouve mon ami numérique et je peux maintenant vous raconter cette période si spéciale que j’ai traversée pour revenir dans ce pays quelque peu paranoïaque par rapport à la pandémie.

Je vous ai conté dans un article précédent mon arrivée en Chine, je reprend à ce moment-là. Car il faut que je vous raconte cette aventure improbable que j’ai vécu (pour la deuxième fois, je totalise un mois et une semaine d’enfermement jusqu’ici) qui vous mène au bout de vous-même.

Il faut d’abord vous expliquer la manière dont la Chine gère l’épidémie, bien différente de celle des pays occidentaux ; là où les seconds veulent éviter les morts mais acceptent de vivre avec le virus, la première cherche à l’éradiquer. Ce qui veut dire une politique de précautions inédites pour nous, qui confinent à l’absurde parfois. Et un autre point à souligner, la Chine a décidé d’être le champion du monde du « Covid-19 free » après avoir été accusée d’être à l’origine de la pandémie. Perdre la face, ici, est un déshonneur comme nous le connaissions dans des siècles précédents, quand il était possible de perdre sa vie pour éviter la honte, lors de duels par exemple. Ici tout ceci est encore une valeur première, encore augmentée par le nationalisme grandissant, et le pays a donc pris cette position extrême, qui consiste à traquer tout le monde en pointant en même temps que la majorité des cas retrouvés sur le sol national sont importés de l’extérieur. L’amalgame devient alors facile, peu importe que la plupart des vols atterrissant ici soient remplis en majorité de Chinois, le mot « étranger » va viser tous ceux qui ne paraissent pas Chinois (1).

Toutes ces explications vont éclairer mon propos ci-après.

Pour revenir en Chine, cet été, les avions étaient « rationnés », seulement trois vols par semaine vers Pékin A/R (là où il y en avait 40 avant la pandémie). Et une règle sanitaire de précaution faisait que lorsqu’un vol ramenait plus de cinq cas de Covid-19, les deux vols suivants de la compagnie étaient annulés (maintenant, il suffit de 3 cas). D’où une difficulté supplémentaire pour trouver un vol, les prix s’envolant en conséquence, près de 2000 € pour un aller simple en classe économique, jusqu’à 7000 € pour un siège en classe affaires. Deux des vols que je devais prendre en septembre ont été annulés, cela devenait presque un sport pour nous les expatriés rentrés en France cet été de trouver un avion pour rentrer (2).

Lorsque la Chambre de commerce franco-chinoise de Pékin a frété un vol (je les remercie de cela), je me suis inscrite et j’ai pu atterrir à Tianjin (plus aucun vol international n’atterrit à Pékin, il faut préserver la capitale, Tianjin est à environ 100 kms).

Sauf que, sauf que… Puisque nous étions un vol d’étrangers (vous savez, ceux qui apportent la maladie dans le pays, voir plus haut), nous avons été soumis à des mesures inédites (voir mon article précédent sur le voyage).

Après avoir « enregistré » dans cet hôtel de Tianjin et avoir intégré ma chambre, celle où j’allais vivre 21 jours enfermée, sans personne qui entre dans l’espace – à moins d’une urgence comme une fuite d’eau – je me suis retrouvée dans une sorte de période suspendue, à côté de laquelle les confinements en France font figure de séjour de luxe.

Après 14 jours
Mon bureau
La vue depuis la chambre (moi, j’avais une fenêtre, la chance !)

Imaginez trois semaines dans une chambre d’hôtel de 15/20m² sans pouvoir sortir. C’est déjà difficile… Ajoutez à cela que l’hôtel est plus que vétuste, infiltrations d’eau, parfois pas de fenêtre qui s’ouvre (bizarre quand un des conseils donnés dans l’hôtel même consiste à aérer 🙂 ), des cafards dans la salle de bain, une douche bouchée…

Les repas étaient corrects, on vous livre devant la chambre trois fois par jour, à 8 h, 11h30 et 17h30, un plateau repas. J’ai eu de la chance, beaucoup de légumes et de fruits, des plats cuisinés frais, c’était assez bon. Et puis j’avais la possibilité (qui n’existe pas partout) de commander des produits non frais, ce qui m’a permis d’assurer plus facilement mon ravitaillement en eau.

Le dîner d’accueil

Et puis vient la litanie des tests… Je pense que le fait que nous soyons un avion plein d’étrangers a augmenté leur nombre. Voyez plutôt, en 21 jours j’ai fait 23 tests. Des tests PCR narine et gorge (avec parfois deux tests de chaque, chacun étant envoyé dans un laboratoire différent…), trois tests sérologiques (prise de sang sur le palier, vous ne savez même pas qui vous prélève le sang), des tests anals (et oui et oui) et des tests d’environnement (quelqu’un en tenue « Tchernobyl » entre dans votre chambre pour prélever des échantillons sur les poignées de porte, le lit…). Avec quand même, malgré la gentillesse du personnel médical (qui s’enferme avec les voyageurs et fera une quarantaine supplémentaire ensuite !), des rythmes presque sadiques, par exemple le test sérologique tous les samedis à 6h30 du matin, affreux.

Le personnel n’entre dans la chambre qu’en cas de panne ou d’urgence
Le couloir avec les tabourets recouverts de sacs poubelle noir, où sont posés les repas et où vous vous asseyez pour les tests

C’est un pays qui a peur, peur de la pandémie, mais aussi et de plus en plus, peur d’être celui qui déclenche un foyer d’infection. Alors tout est bon pour se couvrir, multiplier les tests jusqu’à l’absurde, allonger les quarantaines (maintenant cela peut atteindre 4 semaines si l’on superpose deux quarantaines dans deux endroits différents)…

Je peux le comprendre, bien sûr, mais j’ai ressenti à certains moments une vraie humiliation. Comme si nous étions les nouveaux lépreux des années 2020 (on vous dit par exemple qu’il ne faut rien oublier dans votre chambre, sinon ce sera incinéré). J’ai particulièrement en tête un moment très difficile, le dernier jour, quand nous devions être « relâchés » à 23 h et où à 17 h le médecin m’a signifié par message que mon test de la veille n’était pas concluant et que je devrais peut-être le refaire (ce qui veut dire éventuellement une nuit de plus dans cet endroit) ; je me suis assise sur mon lit et j’ai pleuré… Mais sûrement moins que ce père de famille à qui il a été annoncé à la même heure que sa femme et sa fille avaient un résultat de test sérologique trop élevé (que l’on m’explique comment après trois tests sérologiques en isolement, le dernier n’est pas conforme !!) et qui a dû rester deux nuits de plus sur place après avoir rêvé d’une sortie et préparé ses bagages.

Dimanche matin, le 10 octobre, je suis montée dans la voiture qui m’attendait pour me ramener à Pékin (après avoir descendu un étage avec mes deux valises de 25 kgs chacune, parce que l’ascenseur n’était pas accessible aux « lépreux »).

J’ai mis un moment à réaliser que j’étais à nouveau en sécurité.

FB

(1) D’après les derniers chiffres que j’ai pu trouver, les étrangers toutes nationalités confondues, y compris les Asiatiques, sont moins de 900 000, dans ce pays de près d’1,4 milliards d’habitants, l’écume de la vague…. Dont 60 000 Français. Donc une minorité.

(2) C’est toujours le cas actuellement…