Pékin : Temple de Confucius (2021)

Encore un monument magnifique pour lequel il faut faire quelques efforts… J’avais tenté ma chance il y a plusieurs semaines et le garde emmitouflé m’avait montré une pancarte (écrite en anglais, la chance !) qui disait qu’il fallait réserver à l’avance. Me voilà repartie dans le cercle infernal des sites/applications en chinois, mais j’ai réussi. Ce qui a dû en étonner plus d’un parmi le personnel de sécurité, car ils ont tous demandé à voir ma réservation, puisque j’étais encore une fois la seule occidentale dans ce lieu (je dois dire qu’encore une fois, la première que j’ai rencontrée a fait ce qu’il fallait sur mon téléphone pour afficher le Q/R code qui convenait, des gentils, je vous dis, des gentils…).

Et me voilà entrée dans ce vaste temple, après toutes ces péripéties (« Parce qu’il le vaut bien », dirais-je). C’est en fait un ensemble, un temple que jouxte une école prestigieuse (大学 – école grande, mot à mot, qui veut dire Université, était ici surpassé par 太学 – école trop grande, école d’excellence, pourrais-je traduire), un endroit de formation des élites chinoises depuis des siècles.

Fondé au début du XIVe siècle (ce qui n’est qu’indicatif, car les remaniements ultérieurs sont multiples jusqu’au XIXe siècle, c’est maintenant heureusement un site protégé), il comprend quatre cours successives bordées de bâtiments et de temples où la population venait, et vient toujours, vénérer Confucius (Sage du VIe siècle avant JC, ayant malgré lui fondé une religion alors qu’il s’agirait plutôt d’une philosophie).

A l’entrée se trouvent 198 stèles gravées avec les noms des 50 000 étudiants impériaux qui ont étudié ici, de grands esprits, d’importants scientifiques ou fonctionnaires, depuis la création du Temple, sont issus de son enseignement. Il existe actuellement une Ecole du Parti Communiste Chinois, qui regroupe les élites futures de l’Administration, Xi Ji Ping en faisait partie : je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement ; un peu comme avec notre ENA française. Comme quoi, former les élites dans le même creuset est quelque chose qui transcende pays, histoire et culture.

Ensuite vient le temple lui-même, dans son harmonie de disposition parallèle des bâtiments par rapport à la voie centrale, qui vous fait franchir trois portes successives. Les couleurs sont celles que nous connaissons déjà, le rouge brique des murs, rehaussé de bleu et de vert principalement (avec un peu d’or, quand même !).

Figure classique chinoise, la tortue à tête de presque dragon qui supporte une stèle ; elle a l’air méchante, oui mais c’est une gardienne
Ancien et moderne ; si vous avez un doute, l’édifice moderne a des roulettes
Le Sage à l’entrée de la deuxième porte
Gardien sur son téléphone portable qui ne garde pas grand chose

En pénétrant dans le temple central, vous faites connaissance avec des rites inconnus pour vous. Les sacrifices à Confucius étaient très codifiés, avec six séquences, invitation du Dieu/première offrande/ deuxième offrande/dernière offrande/fin et retrait des sacrifices/présentation des sacrifices au Dieu ; la cérémonie était conduite en présence de l’Empereur ou de l’un de ses fils. Imaginez une procession avec danses anciennes accompagnées par le son des flutes. Nous ressentons cette religiosité, bien que la présence des boucs dans l’ensemble ne soit pas très claire. Mais j’aime bien le mystère et ne pas tout comprendre…

De mystérieux dragons
Côtoient des perroquets encore plus mystérieux ; sans parler des boucs
Je n’ai pas osé faire une offrande, aussi bien suis-je passée à côté d’une grande bénédiction…

Et puis, je ne résiste pas aux belles photos, celles-là étaient tellement évidentes que je ne peux que les partager avec vous, comme des images dérobées si facilement à cette réalité qui m’entourait.

Vient ensuite, dans le circuit de la visite, un alignement de 189 stèles de pierre, toutes gravées à la main par un lettré du XVIIIe siècle, Jiang Heng, les « Treize classiques », soit 630 000 caractères chinois et douze ans de travail. Cet ensemble qui comprend une somme des textes classiques, incluant poésie, philosophie, histoire et droit, est connu sous le nom de « Qianlong stone sculptures » et fait partie du patrimoine de la Chine. Il est effectivement assez impressionnant de voir ces rangées de pierre constellées de cette écriture belle et très graphique, nous pouvons presque sentir la ferveur et l’application de l’auteur à l’oeuvre.

Avec un petit lapin en monochrome rose et adorable, pour mettre de la jeunesse et de la couleur

Nous passons ensuite dans l’université proprement dite (oui, pour ceux qui suivent encore, nous étions jusqu’à présent dans le temple).

Voilà sûrement une image très représentative de la Chine, dans notre imaginaire…

L’architecture change, surtout dans les couleurs de la première porte, datant de 1784, qui adosse ses rouge, vert et jaune francs au gris du ciel, parcouru d’arbres désespérés, comme ployant sous le poids de l’hiver.

Autour du temple principal, entouré d’une dentelle de pierre complexe et circulaire, le canal s’est fait glace.

Mais le frémissement du dégel se fait déjà sentir.

Le lieu abrite également des arbres ancestraux, piégés ici dans la laideur de l’hiver, mais qui affrontent les saisons depuis des siècles et sauront s’en remettre. Il est beau de voir ces géants, presque endormis et pourtant plein de force qui ne demande qu’à éclore au printemps, ils font comme des figures d’abri, dans leur rugosité même.

Cet arbre un « Chinese scholar tree », planté au XIVe siècle, a connu une presque mort et repris vie au XVIIIe siècle, l’Empereur l’a surnommé Fu Su Huai (« reprendre vie »)

L’édifice central est lui, bordé de balustrades rouge et or, l’intérieur est tout en richesse et prestige ; devant cette configuration, j’ai échoué à distinguer l’école du temple voisin…

Je terminerai par deux images un peu décalées, que j’aime bien.

Juste après l’édifice principal, nous pensons passer une porte qui nous mène à un autre édifice, et bien non, c’est un terrain de basket…
Croisés sur ma route, ces deux jeunes gens, qui font revivre les habits traditionnels chinois
(un vrai revival actuellement, sûrement en lien avec le nationalisme grandissant qui parcourt le pays).

Une très belle sortie, le temps couvert, la froidure ont finalement participé à la découverte de ce lieu.

FB