Samedi dernier j’ai fait une excursion/incursion à Pékin (c’est à dire faire deux heures de bus pour rester encore dans les marges de l’agglomération) pour visiter une ville de canaux, Gubei, dont j’aurais l’occasion de vous reparler.
J’ai visité là une distillerie de cet alcool si célèbre dans le pays, le Baijiu (白酒 – alcool blanc, prononcez baydzio), fait de la distillation de cinq céréales (ne me demandez pas la proportion, j’ai déjà réussi à traduire les noms des céréales en français !). Citons ici le millet, le sorgho, le riz, le maïs et le blé. Après les opérations techniques, l’alcool, qui titre entre 45 et 60° est mis en jarre, le récipient de terre remplaçant ici nos fûts de chêne.


Les Chinois ont avec l’alcool un rapport tout à fait différent de celui que nous avons globalement en France (voire en Europe), il s’avère finalement bien plus contrasté que ce que nous connaissons. Même si la tendance est à la baisse, nous avons l’habitude d’accompagner nos dîners et souvent nos déjeuners de vin (sans compter certains brunchs où vous sont proposés champagne ou parfois même des cocktails, tels le « Bloody Mary », que l’on pourrait surnommer le « cocktail du lendemain » – comprenez, lendemain de cuite), l’alcool, sous sa forme raisonnable (hors alcools forts, qui sont en déclin), accompagne nos repas festifs.
En Chine, les repas « communs » sont normalement (comme de plus en plus en France) exempts d’alcool, les Chinois consomment du thé ou de l’eau chaude, qui est réputée bonne pour l’organisme.
Mais quand ils se mettent à boire, ils battent tous les records… Et cela arrive pour tous les dîners d’apparat (d’affaires, de célébration, voire entre amis), nous ne sommes pas loin du « binge drinking » des adolescents de nos contrées, sauf que cela revêt ici un aspect culturel.
J’ai d’ailleurs vu à Shenzhen un homme ramené dans l’hôtel (luxueux) où je passais la nuit, dans une chaise roulante, totalement inconscient, je pense que nous étions proche du coma éthylique.
Je vous raconte aussi ce dîner formel à Lingbao, dans lequel j’étais une invitée de marque. Le choix du placement, autour de la table ronde, s’est organisé d’après le rang des personnes présentes, le Directeur face à la porte, moi à sa droite, son Directeur adjoint à ma droite, etc… Ensuite, nous ont été apportées des petites carafes de cet alcool (les femmes présentes à la table, averties, avaient fait le choix du vin…) et j’ai assisté à un moment inédit, tout le monde est venu tour à tour trinquer avec moi en me faisant un compliment. Normalement, vous devez vider votre (petit, heureusement) verre cul sec « 干杯 – gan bei, soit verre vide », mais les femmes peuvent se soustraire à l’épreuve, ce que je n’ai pas manqué de faire 😉 . Il est quand même très intéressant d’être impliqué dans cette tradition, un repas où tout le monde a une place particulière à table, dans la manière de faire circuler les plats sur le plateau de verre tournant qui occupe le centre de table, de prêter plus ou moins d’attention à votre confort et bien-être ; et de trinquer avec vous d’une manière d’autant plus soutenue que vous êtes important (quelqu’un d’un rang inférieur dans la compagnie trinquera le haut de son verre contre le bas de celui de son supérieur). Le risque est de finir dans un état d’alcoolémie avancée, ce qu’ils recherchent, en arrive je à me dire.
Equivalents à nos cavistes, des boutiques vendant cet alcool et des cigarettes ponctuent les rues de manière assez serrée, ouvertes souvent bien tard. Nous notons pour ces deux biens de consommation des variations de prix qui sont pour nous assez étranges. Ainsi cette boisson que vous pouvez trouver pour pas cher du tout en supermarché (5/6 € le litre) peut monter à des 50/60 € ou au-delà dans ces magasins, selon la beauté de la bouteille (et peut-être le cru ? Je ne sais). Pour les cigarettes, nous avons eu une explication sur les variations de prix (de 2 à 15 € le paquet), c’est le prestige de la marque qui joue, le même mécanisme que celui qui pousse les Chinois(es) à acheter des sacs Hermès, Dior ou Chanel se fait sûrement jour ici.

L’autre boisson alcoolisée de la Chine est la bière, très consommée ici, à l’instar de ce que nous retrouvons partout en Asie, des blondes légères qui peuvent se boire dans des climats chauds (la « Tiger » à Singapour, la « Singha » en Thaïlande). Ici c’est la « Tsingtao« , produite par la ville de Qingdao, longuement occupée par les Allemands, qui est la plus emblématique, mais existent d’autres bières du même type, la « Yanjing » de Pékin, la « Harbin » du nord et bien d’autres que je n’ai pas encore découvertes. C’est la boisson par excellence quand il s’agit d’alcool et que nous n’en sommes pas encore au Baijiu. Et qui pourra m’accompagner lors de la saison chaude, non encore advenue, quand Pékin aura pris des allures de tropiques estivales.
Dans la ville, des micro-brasseries ont vu le jour, elles fournissent de très bonnes bières, que ne dédaigneraient pas un Ecossais ou un Irlandais. Elles se consomment dans des pubs et bars inspirés des modèles anglo-saxons, chaleureux et intimes. Très fréquentés par les expatriés, ces lieux accueillent de plus en plus de natifs, mais qui restent encore timides. Vous avez l’impression de vous retrouver dans un pub de nos latitudes occidentales, musique de là-bas, plein d’Occidentaux, seul le service est chinois. Ces lieux se trouvent principalement dans les quartiers de Sanlitun et Chaoyang, qui logent la majorité des expatriés. Facile d’y faire des connaissances à partir du moment où vous maîtrisez l’anglais, qui est quand même la langue internationale entre expatriés (avec les Chinois, il faut plutôt parler chinois…) ; comme une petite famille qui se retrouve autour d’une chaleur culturelle commune. Et d’ailleurs, si vous sortez dans ces endroits (Bistro 108, O’Paddy, Lenore’s Bar, Jing A) avec un expatrié de longue date, il va connaître bien des gens.
Enfin, parlons du vin, notre emblème « Cocorico ». La Chine commence à produire cette denrée, mais il faut être prudent, paraît-il. Je n’ai pas encore goûté, je verrai… Je ne suis pas sûre que les Chinois, dans leurs rituels de boisson aient encore trouvé une place pour lui. Même si je vois quelques cavistes chinois émerger dans la capitale.

Vous pouvez acheter vins de France et d’ailleurs dans les chaînes de supermarché comme « April Gourmet » ou « Jenny Lou », qui procurent aux expatriés des biens de première nécessité comme beurre, crème fraîche ou pain, très difficiles à trouver ailleurs. Pour ma part, je commande sur un groupe « WeChat », nommé Ziko, mis en place par d’ingénieux Français à Shanghai, qui proposent des ventes quotidiennes de produits pour la plupart français, moutarde, confit de canard, etc… Et aussi d’excellents vins, français ou autres.
Santé !
FB
Très très intéressant . Du coup je me demande si la façon de boire en Chine ne se rapproche pas un peu de la façon de boire dans les banquets des grecs et des romains . Où l’on buvait jusqu à plus soif en trinquant ( aux dieux , aux convives de prestige … ) jusqu à rouler sous la table ( le lit en l’occurrence ) .
Oui, c’est un rapprochement très intéressant, la recherche de l’ivresse commune à ces deux civilisations. Merci Patrick !
Intéressant comme tout ce qui concerne la vie quotidienne, en vrai.
Ici, je suis surprise ( en France ) de voir les packs de bière et les bouteilles diverses à proximité des caisses, donc très accessibles, tandis que les eaux de source et eaux minérales sont situées au fond des rayons. Ce n’est pas un progrès, à mon avis.
Amitiés, merci 🙂
Avec plaisir ! Merci pour le commentaire. Amitiés aussi
Merci de ces petites fenêtres que vous ouvrez pour nous sur la vie chinoise. C’est un grand plaisir de vous lire.
Merci Aldor, c’est un plaisir pour moi de savoir que mes articles sont lus à l’autre bout du monde !
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