Xi’an, Tour de la cloche et Tour des Tambours – 2020

« Il n’y a généralement pas en Chine une compétition de longévité avec la nature. Les Chinois se contentent d’une loi consistant à remplacer le vieux par le nouveau, en considérant la vie et la mort comme un cycle naturel. Ainsi, on ne se soucie pas de la longévité ou de la fugacité des réalités matérielles, on n’a pas l’ambition de ne les voir jamais périr. » (Liang Sicheng, architecte 1901-1972, cité par Frédéric Edelmann, dans « Constructif », février )

Nous savons tous que la Chine est une civilisation très ancienne, plus de 3000 ans d’histoire ont traversé ce grand pays, qui a vu naître de grands philosophes, s’ériger palais, temples et monuments de toute beauté, dans une nature respectée et même sublimée. En arrivant ici, je pensais en trouver de nombreux vestiges partout. C’est sans compter avec un mouvement de fond amorcé avec la Révolution culturelle, qui à partir de 1966 et officiellement jusqu’en 1976, a voué aux gémonies les « quatre vieilleries », les idées, les coutumes, les habitudes et la culture. C’est pendant ce mouvement que des cohortes de jeunes, les Gardes Rouges, ont saccagé des temples, brûlé des livres et humilié (voire plus) des intellectuels (à noter que cette période est un non-dit ici, tellement elle a été douloureuse, faisant entre 700 000 et plusieurs millions de victimes). Le là était donné. Et les destructions de lieux anciens ont accompagné l’urbanisation réalisée à marche forcée dans les décennies suivantes, jusque dans les années 2000. Par rapport à Paris, Pékin se retrouve ainsi avec un patrimoine relativement pauvre, auquel la Cité interdite, le Palais d’été et la Grande Muraille font comme un cache misère. Bien sûr nous sommes en France aux antipodes de ce qui se passe ici, pays très conservateur qui avec les systèmes combinés de classement et d’inscription à l’inventaire, a sacralisé (et sauvé bien sûr) presque 45 000 immeubles sur l’ensemble du territoire. Ici se posera peut-être un jour la question de la vitalité architecturale, alors que la Chine connaît une tendance inverse. Petit pays qui conserve beaucoup vs grand pays qui détruit beaucoup ! Notons quand même, comme ce qui pourrait nous paraître un paradoxe, que les Chinois sont très fiers de leur histoire et la mettent en avant souvent.

Depuis quelques années, certaines municipalités ont fait machine arrière et commencent à préserver ce qui reste de leur passé. Le Président lui-même a demandé que soient remis au programme d’éducation les poèmes anciens. Est-ce que ce sera suffisant ? Nous verrons car nous sommes dans un pays où tout bouge vite, où tout va de l’avant, où par exemple si le guide (papier) que vous avez acheté en France a plus de deux ans, vous risquez de ne retrouver que la moitié des adresses recommandées encore actives.

Je suis partie pour Xi’an le 24 décembre, je ne voulais pas me retrouver seule à Pékin pour Noël, j’ai donc choisi une destination de prestige, prête à faire la connaissance de la fameuse armée de terracotta de l’Empereur Qin.

Tout au long des 4h30 du voyage en train, je n’ai vu que terres dévastées, tours sortant de terre au milieu de nulle part, immeubles en construction avoisinant des autoroutes à six voies et leurs échangeurs, fleuves gelés aux eaux troubles (nous sommes dans le nord), comme une immense friche qui se déroulait sous mes yeux, ponctuée d’usines et de centrales nucléaires (celles-là au moins elles ne polluent pas 😉 ). Tout était terne et brun. J’ai eu un vrai moment de tristesse, en bonne Occidentale que je suis…

Je voudrais ici vous montrer quelques images de deux des quelques monuments qui restent à peu près intacts dans la « vieille » ville de Xi’an, deux tours qui se font face, la Tour de la Cloche et la Tour des Tambours. Deux édifices de 34 et 36 mètres de haut, qui ressemblent aux portes de la Cité interdite et datent de la fin du XIVe siècle. Ces tours sont des vigiles, qui surplombaient la ville ancienne pour annoncer les heures ou un événement heureux ou malheureux. Ainsi les tambours résonnaient trois fois dans la nuit, la première fois pour donner le signal de fermeture des portes de la ville, la deuxième pour avertir les citoyens de faire attention à leur sécurité, autour de minuit et la troisième à l’aube pour annoncer la reprise de l’activité. Ce sont de très beaux ensembles architecturaux, mais pour faire écho à mon propos plus haut, enserrés dans une ville nouvelle qui s’est développée tout autour (pour la Tour de la Cloche, c’est littéral puisqu’elle se trouve sur un rond-point, à l’instar de l’Arc de Triomphe, enserré dans un grand rond-point). J’ai donc pris un chemin de traverse par rapport aux seules belles photos de monuments que nous faisons d’habitude, pour inclure sur certaines ces arrière-plans urbains incontournables.

J’espère que vous apprécierez.

FB

Les photos « touriste »

Et les autres