
Je vis dans un pays peuplé de gens qui ont peur… Peur de la possible propagation d’une épidémie à laquelle personne ne comprend encore vraiment quelque chose. Sur la Chine, je sais que bien des médias européens y sont allé de leurs couplets sur l’absence de transparence, le nombre de morts qui devait être bien supérieur à ce qui était annoncé. Tout cela est possible, bien sûr, mais j’ai maintenant quelques doutes quand je vois ce qui est déployé ici pour freiner la propagation du virus.
Samedi dernier, deux personnes ont été identifiées comme atteintes du Covid19 dans un restaurant à Chaoyang, quartier de Pékin. Immédiatement 5000 personnes ont été sommées par sms d’aller faire un test. Et Pékin, avec ses 21 millions d’habitants, est passée en zone rouge. Cela veut dire par exemple que j’ai été obligée d’aller faire un test mardi matin pour être sûre de pouvoir prendre mon train pour Xi’an (la ville où se trouve l’armée de guerriers en terracotta).
Si vous avez une apparence non chinoise, cela n’aide pas en cette période. Car la communication nationale sur les cas de Covid19 ne parle que de cas importés (en fait, puisque les frontières sont fermées aux étrangers, il n’y a plus moyen d’obtenir un visa de tourisme depuis bien longtemps et les visas des étrangers travaillant en Chine ont été suspendus à partir de novembre dernier, donc ces cas « étrangers » sont des Chinois regagnant leur pays, mais l’amalgame faciès étranger/personne venant d’ailleurs est rapide. Cela permet aussi de mieux comprendre de l’intérieur le délit de faciès sous nos horizons occidentaux).
Ici, nous sommes face à un phénomène déjà étudié dans l’Histoire, qui veut que moins la menace est visible, plus elle fait peur. J’ai travaillé sur le sujet au travers d’un exposé sur l’antisémitisme en France au XIXe siècle, qui m’avait montré que les régions les plus antisémites étaient celles où les Juifs étaient les moins nombreux. Ici, c’est la même chose, il suffit de deux cas pour qu’une ville de plus de 20 millions d’habitants devienne une menace… Avant que je quitte Pékin, même s’il n’y avait plus que quelques cas sporadiques, tout le monde portait un masque même dans la rue où ce n’est pas obligatoire, et ce depuis mon arrivée en septembre. A mon retour, je pense que les mesures de sécurité vont être encore plus drastiques, prise de température systématique à l’entrée de tous les bâtiments et obligation de montrer son application « Health kit » – voir plus haut (alors qu’il y avait eu un peu de détente).
Dans ce contexte, les Chinois regardent la France avec beaucoup de perplexité, ils ne comprennent pas que des mesures plus strictes ne soient pas prises ; l’annonce de l’infection du Président par le virus a été un choc pour eux (et nous avons constaté qu’il serait bien plus difficile qu’avant de faire venir des Français en Chine) ; nous sommes dans l’irrationnel, comme dans bien des cas sous toutes les latitudes, malheureusement.
Pour terminer, je voudrais vous faire part de mes péripéties à Xi’an. Mon logeur, courtois et prêt à aider, comme la majorité des gens ici m’avait certifié que je pouvais sans problème dormir dans son studio Airbnb, situé dans un immeuble peuplé de personnes du cru. C’était sans compter avec la sécurité, car il faut pour toute personne étrangère à la résidence, scanner un Q/R code qui doit bien sûr être vert (et ne pas comporter les trois petits caractères rouges de l’image ci-dessus). Et donc, il m’a inventé une identité, je suis sa professeur à l’université de Xi’an, il m’a donné une puce de téléphone que j’ai intégré dans le mien, pour scanner le code et obtenir une flèche verte, afin de pouvoir rentrer dans l’immeuble. A priori il a ensuite parlementé avec le gardien et j’ai un « laisser-passer » de trois jours sans être obligée de faire cette gymnastique de changer la puce de mon téléphone à chaque va et vient…
Heureusement que ces gens sont vraiment aidants et compréhensifs, vraiment. Et vivement le vaccin !
我祝你们圣诞快乐 !
FB
Que de péripéties. La Chine maîtrise la propagation, mais à quel prix !
Je ne suis pas sûr que nos sociétés occidentales soient prêtes à de tels sacrifices de liberté.
Très bon Noël.
C’est sûr pour les sociétés occidentales ! Mais les résultats sont là.
Joyeux Noël à toi aussi !