Pékin- Langage (2020)

Mon cahier d’exercice

Je le savais avant de partir, la langue chinoise est très complexe à apprendre (je parle ici du Mandarin)… Elle compte 40 000 à 60 000 mots, il en faut 3000 à 5000 pour arriver à parler couramment (pour le Français, 100 000 mots en tout et 3000, la même chose, pour maîtriser la langue).

L’écriture est composée comme vous le savez sûrement d’idéogrammes, qui sont des caractères qui doivent être tracés d’une manière particulière (il existe sept règles essentielles pour les écrire, du type : d’abord horizontalement puis verticalement/d’abord la gauche puis la droite/les traits extérieurs avant les traits intérieurs, etc.). Ces caractères sont uniques, bien que faits à partir de « clés », nous pourrions dire des « radicaux », qui se combinent pour former l’idéogramme. En 1958 (heureusement pour moi 🙂 ), une réforme de l’écriture les a simplifiés et les a fait passer en moyenne de 16 traits à 8, ce qui est quand même la moitié ! J’aime beaucoup ces signes mystérieux au départ, que je m’efforce de mémoriser et je suis très fière quand je vois que j’arrive à les retenir (en fait je les apprend, je les oublie, je les retrouve, tout cela est une histoire de perte et de retrouvailles successives ; certains finissent par s’ancrer dans ma mémoire avec leurs petites aspérités qui font écho à je ne sais quoi, mais je me rend compte que je les connais). C’est un dur chemin, j’ai à présent presque 400 de ces signes/mots qui naviguent dans ma tête et que je reconnais ou non, cela dépend… Et j’ai de vrais moments de découragement, quand le mot que j’ai vu la veille s’est échappé, prenant la tangente pour me laisser avec un vide, le stylo en suspens. Je m’accroche, on verra…

Il existe une deuxième manière d’écrire, le pinyin (拼音 – assembler les sons), adopté en 1979, qui permet de convertir les idéogrammes en alphabet latin. Ainsi « Je suis Français » s’écrira en Mandarin : 我是法国人 et se dira en pinyin : Wǒ shì fàguó rén (prononciation : wo che faguo jen). C’est quand même plus pratique pour nous, car nous pouvons prononcer les mots. Prononcer, parlons-en quand même, car il existe cinq tons en Mandarin, marqués par les accents que vous pouvez voir sur l’exemple ci-dessus. Et le même mot, comme « Ma » par exemple, peut vouloir dire « cheval », « maman », « insulter », « caresser gentiment », « est-ce que ? », etc. selon l’accentuation. Un vrai casse-tête chinois !
Cette « langue » n’est qu’une transition entre ces caractères sibyllins et leur prononciation, c’est un outil qui permet de savoir comment les dire, elle ne s’écrit pas dans la vraie vie chinoise, elle sert uniquement à l’apprentissage (est-ce qu’elle sert à l’apprentissage par les Chinois ? Je ne sais pas…). Il faut quand même pour savoir parler faire le même effort de transposition qu’avec d’autres langues ; par exemple « x » se dit « ts », « zh » se prononce « dj », etc… Par exemple : « ravi de vous rencontrer » / 很高兴见到你 / Hěn gāoxìng jiàn dào nǐ se prononcera : « ren gao sin dzian dao ni » (le « r » est comme le « j » espagnol).

C’est donc tout un jeu de liens à faire, une gymnastique complexe, car pour apprendre un mot, il faut retenir : 1/comment il s’écrit, 2/comment il s’écrit en pinyin, 3/comment il se prononce, 4/ce qu’il veut dire. Mieux que les applications ou les jeux de mémoire, je conseille l’apprentissage du chinois après 50 ans (ou même avant) pour rester alerte sur le plan cognitif ! 🙂

Et pourtant et pourtant… Bien que très assidue dans mes efforts pour pénétrer ces arcanes inconnus, je me heurte dans la vie quotidienne à bon nombre de difficultés. Car tout ici est écrit en chinois… Faisons exception pour les noms de rues et des stations de métro qui sont également en anglais (ouf !) ; les numéros de bus sont également en chiffres romains. Tout le reste est impénétrable au nouvel arrivant et peu de gens parlent anglais. Bien des gestes simples en deviennent complexes : comment louer un vélo avec une application incompréhensible ? Ou réserver un taxi, commander de la nourriture et des biens de consommation ? Car nous sommes dans le règne du « online », tout s’achète, se commande et se réserve sur des applications. « Lost in translation », diraient les Anglo-Saxons et le film que Sofia Coppola a tourné en 2003 me paraît convenir à la situation.

Bill Murray dans le film de Sofia Coppola, on dirait un peu moi à certains moments…

Je suis d’ailleurs étonnée quand je croise des expatriés qui n’ont appris qu’à parler et pas à écrire ou lire (car c’est un des styles d’apprentissage, qui va au plus vite) ; au-delà de la beauté de ces signes, qui sont pour nous Européens quelque chose d’inédit, il me paraît essentiel de les assimiler pour se mouvoir dans la ville.

Je continue !

FB