
Quand j’étais en France et que je voyageais déjà en Asie, j’étais frappée par l’utilisation intensive du téléphone mobile par les Chinois. Et en bonne Française, je critiquais cette habitude à la même aune que ce que je pouvais faire auprès de mes compatriotes. Et pourtant, et pourtant… Nous avons une vraie difficulté à nous mettre à la place des autres quand nous n’avons pas expérimenté – presque dans notre propre chair, pourrais-je dire- leur vécu, et nous les jugeons selon nos critères, qui, il faudrait toujours se le rappeler, ne sont pas intangibles.
En Chine, il y a tout d’abord une obligation d’avoir un téléphone pour faire toutes les démarches administratives et personnelles. Votre numéro vous est demandé partout ; pour ouvrir un compte en banque par exemple, mais aussi pour obtenir un permis de résidence ou un permis de travail. Bien plus, cela s’est étendu à la vie quotidienne. Pour payer un achat, vous pouvez bien sûr sortir votre liasse de billets – vous allez gêner le système à certains endroits, car il faudra vous rendre la monnaie – mais le plus simple est d’utiliser WeChat pay, une application qui connectée à votre compte bancaire (chinois) vous permet de faire un paiement sans contact, en scannant le Q/R code de votre téléphone. Cette application permet également de transférer de l’argent à un de vos contacts en quelques secondes, pratique pour partager l’addition au restaurant. Car WeChat est en quelque sorte un avatar de WhatsApp plus évolué (le premier a été créé en 2011, deux ans après le second, nous reconnaissons là l’agilité des Chinois à copier, mais également à améliorer). Sur WeChat, vous pouvez enregistrer vos contacts, créer des groupes, poster des messages, des photos, des vidéos mais aussi payer, télécharger des applications annexes pour aller sur des sites de vente ou autres, bref l’outil indispensable ici. Depuis l’irruption de la Co-Vid 19, l’application héberge un « health kit » où est téléchargé la photo de votre passeport et que vous devez montrer à chaque entrée dans un lieu public (un peu de relâchement actuellement en raison de la quasi-absence de cas à Pékin, mais le processus peut être relancé très rapidement), ce qui la rend réellement incontournable. Il faut également citer la multiplicité des Q/R codes de tout poil que vous pouvez scanner partout (jusque sur les sacs de courses que transportent les Pékinois 🙂 ) et qui vous orientent vers d’autres sites – personnellement ma connaissance balbutiante du chinois ne me permet pas l’accès à ces paradis consuméristes !
Ainsi, jeunes preppies de la capitale autant que personnes âgées de la campagne, tous ont un smartphone pour s’en sortir dans la vie quotidienne.
S’ajoute à cela l’importance du « Guanxi » (关系), concept issu du Confucianisme, qui met en avant l’importance du réseau social pour tout Chinois. Cela commence par la famille, qui a une importance centrale et s’étend aux amis et également aux relations professionnelles ; il faut établir des relations de confiance, basées sur l’idée de donner/recevoir et entretenir ces relations, telle est l’essence de la doctrine. Cela amène à une vision tout à fait différente de la nôtre sur les cadeaux par exemple (si vous offrez quelque chose de cher, l’autre va se trouver en dette). Et également, il devient important de montrer aux autres que vous avez votre réseau, si possible incluant des personnalités ou des personnes qui pourront augmenter votre notabilibité. Souvenez-vous, si cela vous est arrivé, des Chinois qui voulaient prendre des photos avec vous en France, cela participe du même mouvement ; pouvoir dire que l’on a des amis dans un pays admiré (bien que cela change un peu avec le regain de nationalisme impulsé par l’actuel Gouvernement, tendance accentuée par la pandémie). Bien sûr, vous aurez déduit de vous-mêmes, intelligents lecteurs, là où je veux en venir, les réseaux sociaux prennent ici une importance inédite. C’est un moyen rapide et virtuel d’entretenir son cercle proche, à coup de téléphone via WeChat, de posts de tout genre et je pense, à les voir au quotidien, qu’il y a ici quelque chose de crucial qui se joue pour les Chinois.
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