Cinémas – Alla KOGVAN : Cunningham (2019)

Merce Cunningham (1919-2009) est un danseur et chorégraphe américain majeur dans la révolution de la danse contemporaine, à l’instar de Martha Graham (1894-1991) dont il a suivi un moment les cours.

Pour rassurer mon lectorat, j’avoue ne pas être fan absolue de danse, j’apprécie beaucoup de voir des spectacles, mais je ne suis pas férue. Là, un premier janvier froid et bruineux, sans transports en commun dans notre capitale, m’a fait envisager une longue séquence de cinéma et j’ai opté pour ce documentaire. Bien m’en a pris.

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Car nous découvrons en premier lieu une personnalité très particulière, un homme solitaire et qui ne vit que pour la danse. C’est sa raison d’être, d’esquisser ces mille mouvements par jour, à la recherche du moment corporel parfait. Mais cette perfection est plus complexe qu’il n’y paraît, Merce Cunningham est un homme conceptuel qui navigue entre le hasard (il utilise le « Yi King », manuel des arts divinatoires chinois pour choisir l’ordonnancement de la danse et le nombre des danseurs ; plus tard, il fera concevoir un logiciel qui choisit aléatoirement les mouvements) et l’ordre (il est un adepte du chronomètre, pour que les figures dansées se superposent au millimètre près).

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Il est également un homme inscrit dans cette époque bouillonnante de l’art contemporain,  au contact de musiciens comme John Cage (qui sera son compagnon pendant cinquante ans) ou de peintres comme Robert Rauschenberg, qui lui créera costumes et décors pendant de nombreuses années, celles des vaches maigres pour les uns et les autres, jusqu’à ce que la notoriété le couronne. Il collaborera également avec Jasper Johns et Andy Warhol. C’est dire que nous sommes dans un univers d’expérimentation où tout est possible, où tout peut se réinventer, la danse à l’instar des autres disciplines artistiques. Nous sommes d’ailleurs, dans les années 1945/1970, dans lesquelles s’inscrit le film, dans une période où l’idée que tout le monde peut faire de l’art avec pas grand chose commence à faire son chemin ; et c’est une idée pivot dans les chorégraphies que développe Merce Cunningham, celle que tout mouvement est hasard et peut faire danse. C’est ce qui est passionnant ici, voir ce danseur/chorégraphe en action, envers et contre tout.

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S’il a fondé une compagnie, il se conduit avec elle plus comme un gourou que comme un professeur de danse. Ses fidèles le suivent dans les méandres complexes de ses fulgurantes inventions, mais il ne leur donne que peu de cadre ni de repère. Cela lui permettra quand même d’inventer des pièces pour plusieurs danseurs, qui sont de toute beauté.

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Car voilà l’autre dimension de ce passionnant documentaire, découvrir cette danse, qui m’a saisie « aux tripes », je dois le dire (et je ne m’y attendais pas), devant la beauté de ces séquences enchaînant moments très actifs et pauses dans des attitudes parfois très difficiles à tenir. Les pièces à plusieurs danseurs sont particulièrement superbes, les corps-à-corps surtout.

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Je ne peux que recommander d’aller à la découverte de cette personnalité si intéressante.

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