En incipit je dirais que j’aime beaucoup cette photo du réalisateur, dos au monde réel, regardant vers le large comme pour y chercher d’autres dimensions. Coiffé de son chapeau qui l’accompagnera ici dans toutes ses pérégrinations, à Nazareth (dont il est originaire), à Paris et à New-York, il apparaît comme une vigie un peu étrange et décalée face à l’immensité de la mer.
Cinéaste contemplatif et réfléchi, il met du temps à élaborer son oeuvre, laissant parfois des années s’écouler entre deux films (le précédent datait de 2012…). Et cela se raccorde bien à ce que nous comprenons de lui au travers du film dont il est question. C’est un homme qui fait son chemin dans la vie comme en parallèle aux autres êtres vivants ; il les observe, certes, mais nous sentons à tout moment l’irruption de son monde intérieur qui vient perturber le réel.
Objet cinématographique particulier (et déroutant sûrement pour pas mal d’entre nous), le film m’a fait penser à Jacques Tati et à sa capacité à jeter un regard à la fois tendre et ironique sur ce qui se passe autour de lui, sans porter de jugement de valeur et en ayant l’humilité de cueillir ces micro-événements pour ce qu’ils sont et comme autant de matière à penser le monde. Et à nous en livrer comme une quintessence qui nous aurait échappé.
Pour mieux capter ce qui l’entoure, le cinéaste vide les lieux qu’il parcourt, comme pour faire un effet de zoom sur les situations auxquelles il s’intéresse ; vous pourrez voir par exemple, chose absolument improbable, Paris désert au mois d’août 😉 . Et, à l’instar de Jacques Tati, il ne s’exprime quasiment jamais, toujours à l’écran, mais dans un rôle d’observateur attentif.
J’aime beaucoup ces gens qui savent prendre le temps, contempler l’infime de la vie qui passe, ses petites incongruités, ses situations cocasses et s’en contenter.
Au travers de tout cela, le cinéaste fait passer en filigrane un message (discret) sur la Palestine, entre un producteur (joué par Vincent Maraval, lui-même producteur) qui refuse son scénario au motif « qu’il n’est pas assez palestinien » et un chauffeur de taxi new-yorkais qui n’en revient pas d’avoir embarqué un Palestinien dans sa voiture. En forme de constat que tout le monde a oublié ce pays. Il fera un pied de nez à cette idée dans sa scène finale où nous verrons des jeunes danser à corps perdu sur une musique de là-bas, comme pour montrer la vitalité qui habite cette contrée.
Tout cela est à la mesure du film, discret, décalé et d’une rare élégance.
A voir pour ceux dont l’étalon cinématographique en termes d’action est différent de « Fast and furious » 🙂 !
FB