Yves Ravey est un auteur français contemporain que je commence à bien connaître (voir article sur « Trois jours chez ma tante »), ayant commencé à le fréquenter il y a quelques années. Une écriture minimaliste traversée d’étrangeté, où rien n’est tout à fait à sa place, voilà comment je définirai son oeuvre en une phrase.
Ici, c’est un vrai exercice de style auquel il se livre, tout en collant à ce que je viens de dessiner plus haut.
Car nous sommes dans un polar, tout ce qu’il y a de plus pur, qui m’a rappelé pèle-mêle, William Faulkner (« Sanctuaire », 1931), les films français policiers des années 1960, portés par les personnalités graves de Lino Ventura et autres Jean Gabin ainsi que les films noirs hollywoodiens des années 1950, où Alan Ladd, Humphrey Bogart ou William Powell tenaient le beau rôle.
Aussi sec que le noir et blanc qui accompagne les films cités, en moins de 120 pages nerveuses, le livre nous conte l’histoire d’un enlèvement banal (nous ne sommes pas dans le monde des Brigades Rouges ou autres Action Directe) où un comptable veut enlever Samantha, la fille du directeur de l’entreprise d’emboutissage dans laquelle il travaille. Il fait appel pour cela à son frère, de retour d’Afghanistan.
L’économie des mots et leur neutralité efficace (bien que de bonne tenue, nous ne sommes pas chez Guillaume Musso, quand même 🙂 ) sont un des moyens mis en oeuvre par l’auteur pour construire un récit tiré au cordeau, rien que la chair nerveuse sur l’ossature de l’histoire, qui semble filer droit dans l’archétype du polar. Et pourtant, et pourtant, nous voyons maintes petites déviations au fil des pages, des possibles qui ne s’avèrent pas, des fausses pistes à peine esquissées, qui viennent donner au livre une ampleur différente, laissant des points de suspension que le lecteur devra compléter seul. Bien des ambigüités se font jour ici, dans les relations entre frères, dans le passé de Jerry qui revient d’Afghanistan, dans la personnalité de Samantha.
Ce parti-pris d’embranchements ténus qui se font jour au fur et à mesure permet à l’auteur de préparer le lecteur à une fin très ouverte, où tout est possible. Et de coup de théâtre en surprise, en escalade, l’histoire finira par se resserrer sur une fin imprédictible.
J’ai vraiment beaucoup aimé la subtilité de ce livre.
FB