Désireuse de m’échapper du coeur de l’hiver français et de retrouver cette Asie que j’apprécie tant, je me suis envolée fin décembre pour Bangkok. Ce n’est pas la première fois que je pars à la découverte d’une grande ville d’Asie, j’ai aimé faire la connaissance de Kuala-Lumpur, de Hong-Kong, de Canton ou de Singapour, non pas en zappant de site touristique en site remarquable, mais en flânant dans maints endroits de la carte urbaine pour constituer, un peu à la manière d’un puzzle, d’une vision d’ensemble subjective et personnelle, un peu comme une voyageuse émerveillée. Cela me laisse en tête, en plus des détails muséographiques et monumentaux, comme une carte d’identité de la cité, éparpillée en de multiples petites notations, reliées entre elles par les longues itinérances que j’ai entreprises.
Ce sont des pays si étranges pour nous, que parcourir les centres commerciaux, les rues, les transports publics, revêt comme un parfum d’aventure, peut-être plus que de se rendre sur les sites touristiques, où nous nous retrouvons finalement entre nous, étrangers, avec, je dois le dire, des comportements qui me heurtent souvent, la manie du selfie par exemple. J’avoue avoir fait l’impasse sur le Bouddha d’émeraude (Wat Phra Kaew) ou le grand Bouddha couché (Wat Pho), au vu de la foule qui s’y pressait. Et je ne regrette pas. Car il suffit de s’écarter à peine des endroits phare pour retrouver le calme et pouvoir admirer des beautés un peu plus dissimulées mais tout aussi intéressantes (Wat Sakret qui jouxte le Mont d’Or, par exemple).
Je vous livre ici mes impressions et quelques recommandations si vous souhaitez vous rendre dans la capitale de la Thaïlande.
Royauté et religion
Bangkok est devenue capitale en 1782, au moment où la dynastie royale Chakri prend le pouvoir et cela va tisser entre l’ininterrompue lignée des rois Rama (actuellement, c’est Rama X qui règne depuis fin 2017) et la ville des liens indéfectibles que nous ressentons partout.
C’est là la première caractéristique qui surprend le visiteur, l’omniprésence de la représentation de la figure royale. De gigantesques portraits du Roi actuel et de son père ainsi que (parfois) de sa mère, figés et en grand apparat, encadrés de dorures et ornés de fleurs et parfois d’offrandes, s’étalent partout dans la ville ; dans l’enceinte des bâtiments publics, bien sûr, mais également dans le métro, au carrefour d’une rue, au détour d’une place. Il s’agit d’un véritable culte, à l’instar de celui de Bouddha, les signes de vénération de l’un et de l’autre ne diffèrent pas beaucoup.

Le Roi Rama IX

Et son fils Rama X

Que nous croisons partout…

Vraiment partout !
Car le deuxième trait frappant ici est la religiosité bouddhiste. Vous croiserez souvent des bonzes vêtus de sarongs orange (et des bonzesses, plus rarement, habillées de blanc), parfois très jeunes.

Bouddhisme 2.0

Bénédiction de la nouvelle année à Wat Pho
Des offrandes ponctuent les rues, au pied d’un arbre, en forme de nourriture le plus souvent. Petits repères religieux au coeur de la mégapole.
Et les temples très nombreux et très fréquentés, se rencontrent même au détour des malls, ces temples de la consommation dont je reparlerai. Très favorisée par la royauté, qui a vu dans cette religion un solide atout pour s’établir et a fait construire maints et maints « Wat » (temple), elle est une valeur partagée par la majorité de la population.

Un temple au milieu des centres commerciaux
Ces lieux de culte, au modèle architectural de base qui s’illustre çà et là de variations, comprennent des pagodes abritant des effigies de Bouddha, plus ou moins imposantes. Ce sont presque des petits univers qui s’ouvrent devant le visiteur, animés d’une foi que nous ne voyons plus dans notre pays. Des bonzes reçoivent les gens en consultation, pour des prières ou des bénédictions, d’autres préparent des banquets, sûrement sacrés, dont nous ne pouvons capter la signification. Entrer dans un temple est comme pénétrer dans un monde mystérieux dont nous n’avons pas les codes et où fourmille toute une population occupée à des transactions sacrées. Ces rites et rituels parviennent encore à persister dans les sites les plus visités, au milieu des touristes en mal de selfies et de sensations fortes. Bravo à eux.
Nous découvrons ici toute la beauté de l’art religieux thaïlandais, fait de peintures murales magnifiques, d’architecture flamboyante et ordonnée.

Wat Sakret
Wat Phra Kaew

Musée national

Wat Sakret

Wat Pho

Wat Intharawihan

Wat Phra Kaew

Wat Pho

Wat Traimit

Wat Phra Kaew

Wat Phra Kaew
L’alliance des deux (religion et royauté, telles que décrites ci-dessus) a créé un peuple relativement nationaliste, qui cherche notamment à se définir par le haut face à ses voisins. Il est à ce titre très intéressant de visiter le Musée du Siam qui présente une exposition permanente high tech sur ce qui est nommé en anglais « thaïness » (le fait d’être Thaï) et qu’il essaye de cerner. Ce qui ne veut pas dire que les étrangers sont malvenus, au contraire.
Urbanisme
Nous sommes dans une très grande ville, 9 millions d’habitants et 19 millions pour l’agglomération. Contrairement à ce que nous connaissons dans la majorité de nos capitales européennes, la superficie n’étant pas limitée, la cité s’est considérablement étendue dans l’espace alentour (la densité de population y est quatre fois moindre qu’à Paris). Si le passé a été respecté pour les principaux monuments situés dans le quartier historique de Rattanakosin, les quartiers ont ailleurs évolué rapidement et sans souci d’une harmonie telle que nous la préservons en Europe. La vitalité de la construction se voit par exemple dans l’érection de gratte-ciels en bordure de la Chao Prayah, jouxtant de vieux quartiers ; du gigantesque au minuscule… Entre Siam Square, hérissé de buildings de luxe et de centres commerciaux, Rattanakosin, ponctué de temples, avenues immenses et palais, et Chinatown, Silom ou Banglamphu, grouillants de ruelles et de gens qui vivent dehors, il y a bien des mondes à traverser. A quelques minutes à pied d’une navette vieillotte en bois qui aura serpenté avec force gasoil le long des khlongs (canaux secondaires), effleurant l’arrière des maisons modestes où s’amoncellent bassines, linge en train de sécher et tabourets en plastique, vous retrouverez le Sky train, métro aérien moderne, jouxtant des centres commerciaux luxueux.

Depuis le Chao Prayah

Siam Square

Navette sur les khlongs
J’avoue avoir préféré me perdre dans les quartiers populaires, où je croisais peu de touristes ; mais je n’ai pas pour autant déserté les autres endroits, en bonne exploratrice que je suis.
Cuisine
Début 2018, séisme… Le Roi avait l’intention d’interdire la cuisine de rue. Pour le moment rien ne s’est passé et heureusement, car c’est là une des caractéristiques de la ville : vous trouverez partout des étals où vous attendent brochettes, Pad thaï (nouilles aux crevettes ou poulet) et autres plats thaïlandais, toutes sortes de nouilles au porc ou aux fruits de mer. Si vous vous perdez un peu dans les ruelles, il est parfois difficile de savoir si les tables en plastique disposées sont là pour les proches ou pour vous. J’ai acheté d’excellentes brochettes de foie de volailles à une femme qui me semblait ravitailler plutôt son entourage de quartier, par exemple.
Les principaux ingrédients de la cuisine thaï sont : le lait de coco, le piment, le galanga (sorte de gingembre), la citronnelle, le citron kaffir, l’échalote, le basilic thaï, le curry (vert, rouge et jaune), les tomates, les aubergines, les carottes, les nouilles et le riz, le poulet, le porc et les poissons et fruits de mer. Des explosions de saveur en bouche. Côté fruits, goûtez l’ananas, la mangue, la grenade et la banane, pour ceux que nous connaissons, mais également le mangoustan, absolument délicieux, la roseapple (entre poire et pomme), le ramboutan, la goyave…

Tom yum soup

Pad thaï

Curry vert de poulet

Mangue avec riz gluant au lait de coco
Vous pouvez aussi aller vous restaurer dans un « food court » d’un centre commercial. L’intérêt est que vous voyez ce que vous mangez, préparé selon les mêmes règles que dans la rue (un peu plus cher, mais bon, compter 150 à 200 baths pour un repas). Le meilleur est celui du MBK Center à Siam Square. Honnêtement les vendeurs de rue en valent également la peine.

En face du marché Chatuchak

Chinatown, cuisine de rue

Food court du MKB Center
Achats
Bangkok est définitivement une ville de commerce. A tous les petits marchés qui fleurissent un peu partout (Chinatown est un repaire particulièrement bien fourni, des biens de toutes catégories s’étalent au gré des ruelles) et aux centres commerciaux classiques (des méandres d’échoppes rassemblées dans un centre commercial, comme en Chine), sont venus s’ajouter des centres commerciaux dernier cri, exposant dans une atmosphère luxueuse des marques telles que Chanel, Vuitton et autres). Le dernier né, « Iconsiam », compte 36 000 m² sur six étages, avec 100 restaurants et 7000 marques.

Pause smartphone au marché de Chatuchak

Toujours le marché de Chatuchak, où l’on trouve de tout
Design glacé du marbre et des dorures, encore rafraichi par l’air conditionné, kilomètres de devantures telles que nous les avons déjà vues mille fois, ces immenses surfaces dédiées au shopping et à la nourriture n’ont pas vraiment d’intérêt sauf à nous faire sentir la démesure de notre société de consommation. Cariatides, fontaines, plantes, tout est là pour inciter le respect, pour nous montrer que nous entrons dans un temple, celui des marques de luxe ou autres, auquel il faudra sacrifier par nos achats.

MBK Center

Iconsiam vu du fleuve

Démesure olympienne

Démesure végétale
Je préfère de loin tous les marchés de rue, les petits centres commerciaux ne payant pas de mine, où tout se négocie (bien que les prix ne donnent souvent pas envie de négocier, pour nous, Européens au niveau de vie tellement différent (le revenu mensuel moyen en Thaïlande est autour de 500 $).
Je recommande le marché de Chatuchak, ouvert les samedi et dimanche, où vous trouverez de tout, de tout, de tout, pas uniquement touristique.
A voir (ce que j’ai le plus aimé) :
- Wat Phra Kaew
- Wat Pho
- Wat Arun
- Le Mont d’Or et Wat Sakret (le deuxième pour les magnifiques peintures qui encadrent Bouddha)
- Le Museum national (qui comprend un hall où sont exposées les barges royales)
- Le Musée du Siam évoqué plus haut
- La National Gallery (où sont exposées des dessins malhabiles d’un Roi, présentés comme des œuvres importantes, cf ci-dessus 😉 )
- Le marché Chatuchak, immense patchwork de boutiques, ouvert les samedi et dimanche
- Le MBK Center, qui aligne boutique après boutique et comprend un très bon « food court » (il faut prendre une carte et la charger ; vous pouvez récupérer l’argent non utilisé après)
A voir éventuellement (vu de moi intérêt limité)
- Le Palais royal
- Le Parc Rama IX, créé pour le soixantième anniversaire du roi. Intéressant car vraiment à l’écart de la foule, mais peu de plantes intéressantes, notamment par rapport à ce que j’ai pu voir à Kuala Lumpur (ah, le jardin des papillons !) ou à Singapour
- La rue Khao San. Pour vous donner une idée, cela doit correspondre aux Champs Elysées à Paris, tout ici est fait pour le touriste, qui est majoritaire à arpenter la rue
- Les marchés flottants : j’avoue, pour avoir vu les photos à mon hôtel, de hordes de touristes se ruant pour photographier les jonques, que je n’ai pas eu envie…
- Les centres commerciaux, Siam Discovery, Siam Paragon, Siam Center, Emquartier et Terminal 21. Valent le coup d’œil pour l’architecture délirante et la démesure, pas pour les achats.
A faire :
- Un massage thaï ou massage des pieds. Un conseil, ne prendre le premier que dans un endroit recommandé, sinon vous pourriez vous faire démonter le dos. Le massage thaï est fait de pressions fortes et d’élongations sur tout le corps, vous ne devez pas sortir en ayant mal. Il se pratique habillé, sauf si vous choisissez un massage à l’huile, bien sûr !
Mes adresses :
- Wat Pho : le berceau du massage thaï est bouddhiste. Quand vous rentrez sur le site, allez tout de suite complètement au nord-est et vous trouverez deux pavillons de massage. Inscrivez-vous, l’attente peut prendre jusqu’à une heure et profitez-en pour visiter le site. Massage thaï exceptionnel, environ 500 baths.
- Pussapa thaï massage school : un peu violent mais finalement très bien
- Ruen Nuad massage studio
- Boire un jus de noix de coco, de mangue ou de grenade. Vendeurs dans la rue, un peu partout.
- Prendre le bateau régulier sur la Chao Prayah et sur les khlongs
- Un cours de cuisine : la Silom thaï cooking school est très bien (5 plats et une visite du marché pour 1000 baths). Préférez la session du matin si vous voulez voir le marché. Réservations en ligne : http://www.bangkokthaicooking.com
- En 1932, suite à un coup d’état, la monarchie est devenue constitutionnelle, sans interruption de la dynastie.
- Règle de bienséance 1 : éviter de dire du mal de la famille royale ou de s’en moquer, très mal vu.
- Règle de bienséance 2 : éviter toute irrévérence envers Bouddha, ce qui comprend le fait de rapporter une statue ou toute autre effigie avec vous. Sachez qu’un tatoueur qui accepterait de tatouer une représentation de Bouddha serait dans l’illégalité.
Conseils pratiques
Disons tout de suite que voyager seul(e) n’est pas un problème sur ce continent. Il y a toujours, bien sûr, quelques petites arnaques à éviter et un minimum de prudence à avoir, mais dans l’ensemble, les gens sont indifférents au pire et le plus souvent accueillants et serviables.
Pour les sites les plus cités dans les guides, arriver tôt car Bangkok est une ville très très touristique (en 2018 ce sera la première ville visitée au monde, devant Londres et Paris).
Transports
Ils peuvent devenir un casse-tête… Il existe un métro aérien BTS et un métro MRT, mais ils ne desservent pas le centre. Bon à savoir : il y fait une température glaciale…
Les bateaux sur la Chao Prayah sont donc très utiles et peu chers (à la différence du métro), notamment si vous prenez les bateaux qui s’arrêtent à tous les arrêts (drapeaux orange et vert). Les khlongs, canaux plus étroits sont également desservis par des bateaux navettes (monter et descendre est un peu sportif !). Pour les deux types de bateaux, on paye après être monté.
Il reste ensuite les taxis, souvent prompts à vous arnaquer : on les arrête en agitant la main. Il faut absolument leur demander de mettre le compteur (« meter ») et refuser de monter si on vous propose un prix fixe, qui sera a priori deux à trois fois le prix réel. Vous pouvez demander à votre hôtel de vous en commander un. Normalement un taxi affiche au compteur 35 baths, qui comprennent les deux premiers kilomètres, puis le tarif est de 5 bath par kilomètre. Un site utile : https://www.taxi-calculator.com/taxi-fare-bangkok/427
Les tuk tuk : à éviter, sauf si vous êtes prêts à négocier fortement le prix. Si vous le prenez près d’un site touristique, il y a des chances pour qu’il vous emmène dans une boutique avec laquelle il est de mèche. Pour décliner, dites simplement « mai ao » (mai comme dans « my »).