Peinture – Paolo UCCELLO : La bataille de San Romano (1456)

san romano louvre

Louvre, Paris

J’ai envie aujourd’hui de vous faire découvrir une des oeuvres (en plusieurs tableaux, il s’agit d’un triptyque) d’un peintre italien de Florence (1397-1475), Paolo Uccello, qui est surtout connu (?) pour son travail sur la perspective.

Il s’agit de « La bataille de San Romano », dont l’un des panneaux se trouve au Musée du Louvre (Paris), le deuxième à la National Gallery (Londres) et le troisième à la Galerie des Offices (Florence). C’est un épisode guerrier qui est conté ici, une bataille entre Florentins et Siennois qui a eu lieu en 1432 non loin de Pise. Les deux armées étaient menées par des condotierre, mercenaires chefs d’armée, qui pouvaient devenir très puissants dans la société, ici Niccolo Da Tolentino qui conduit les Florentins et Bernardino Della Ciarda, chef des Siennois. Le premier sera vainqueur.

Je n’ai pas réussi à trouver sur le net des images assez flatteuses des deux autres panneaux du triptyque et je vais donc m’en tenir au premier. Sachez qu’adolescente j’ai eu un coup de coeur absolu pour ce tableau et que, jeune adulte, j’ai poursuivi les deux autres dans mes voyages (un peu comme je poursuis le Caravage, voir article sur le blog).

Pourquoi ? Pour l’intemporalité de ces tableaux (je n’aime pas le mot « modernité », trop ancré dans notre actualité, je veux parler ici de quelque chose qui serait en suspens au-dessus du temps).

Les couleurs choisies, tout d’abord, sont inhabituelles pour l’époque. Pas de concession à des bleus, des verts ou des roses qui ornent d’habitude les peintures de l’époque, tout du moins quand elles ont pour sujet l’histoire sainte, et adoucissent le motif global. Non, ici tout est blanc, noir, rouge et or, teintes fortes et absolues à peine mitigées de beige/brun pour le décor. Le cheval noir du Condottiere, objet central de la toile, capte nos regards avec cette magnificence de tons.

Le deuxième élément qui nous frappe est le dynamisme du tableau. Sur la droite, des cavaliers qui convergent vers le chef, sur la gauche des soldats qui s’éloignent (vers la bataille ?). Le leader lui-même parvient à peine à contenir son cheval qui se cabre. Le rythme donné par les lances accentue encore cette idée de mouvement. Et c’est là que les couleurs choisies interviennent encore. Ce sont des couleurs fortes et chargées, qui disent la magnificence et la richesse (l’or), la mort et la douleur (le rouge et le noir). Elles contribuent dans leur absolu à amplifier l’impression de quelque chose qui avance, inéluctable comme le destin.

Le troisième trait frappant ici est la manière dont le peintre dessine corps humains et surtout chevaux. Tout cela ne déparerait pas dans une toile de notre temps. La représentation des hommes a souffert du temps qui passe (ce qui donne en même temps un côté très poétique au tableau), les chevaux en revanche sont comme des sculptures posées sur la toile, aboutissement de la recherche du peintre en termes de perspective. Presque réduits à des silhouettes massives et pourtant en trois dimensions, là où la peinture n’en permettrait a priori que deux, ils nous donnent l’impression d’évoluer devant nous dans un mouvement naturel. C’est là que nous pouvons mesurer combien cet artiste est en avance sur son temps.

Enfin, notons que la guerre est ici célébrée, revêtue des ors et pourpres de la victoire annoncée. Le condotierre est mis en exergue, personnage central à tous les sens du terme, ce qui tranche avec notre conception actuelle du conflit.

C’est une magnifique toile que je vous invite à découvrir au Musée du Louvre, ainsi que ses deux soeurs, à Florence et Londres.

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