Cinémas – Gilles LELLOUCHE : Le grand bain (2018)

Bertrand (Mathieu Amalric), cadre dépressif en arrêt de travail, décide de prendre des cours de natation synchronisée, sous la direction de Delphine (Virginie Efira) puis d’Amanda (Leïla Bekhti). Il va y rencontrer des hommes « ordinaires », tous un peu cabossés par la vie et apprendre à les connaître pour finir par former avec eux un « collectif » qui lui redonnera le goût à la vie, en poursuivant un rêve, représenter la France au Jeux Olympiques.

Le film a été comparé à celui de Peter Cattaneo « The Full Monty » (1997), avec lequel il présente bien des similitudes.

C’est un collectif d’hommes, qui, loin d’être des hommes parfaits, sont comme-tout-le-monde, qui avec ses bourrelets physiques, qui avec ses meurtrissures psychiques. Déboussolés dans une société qui les broie (c’est particulièrement vrai dans le film anglais, nettement plus politique), ils s’effondrent (Guillaume Canet) ils se sont effondrés (Matthieu Amalric), ils se sont mis en sourdine (Philippe Katerine) ou poursuivent des rêves de grandeur qui ne sont pas à leur mesure et finiront par les rattraper (Jean-Hugues Anglade, Benoît Poelvoorde). Bref, ils sont inadaptés au monde qui les entoure et en souffrent.

Derrière eux, des femmes, des battantes qui les soutiennent. C’était vrai dans l’opus anglais, ici le trait est accentué. Les femmes dont il est question, épouse ou coachs (Marina Foïs, Virginie Efira et Leïla Bekhti) sont en apparence viriles, allant même jusqu’à houspiller et insulter « leurs hommes ». Elles sont en apparence solides et viriles, renvoyant par là-même les hommes à leur féminité et à leur incapacité (deux choses distinctes, précisons-le 😉 ). Car c’est une caractéristique particulière de ce film d’arriver à effacer les stéréotypes du genre d’une manière très subtile (là nous avons perdu le film anglais, qui n’est pas du tout sur ce registre) en inversant la notion de virilité traditionnelle : ce sont les femmes qui sont aux commandes. Et notons qu’elles sont elles aussi pleines de failles, incapacité physique ou alcoolisme par exemple.

C’est une histoire où les protagonistes retrouvent l’estime de soi dans un long chemin collectif. En apprenant à comprendre les autres membres de l’équipe, à vivre avec eux, dans une lutte commune, ils vont se retrouver et se refaire une place digne dans la société. C’est comme un « feel good movie » qui aurait l’intelligence des situations, dont il saisirait la délicatesse, loin d’un conte de fées basique comme nous en voyons tant.

Enfin, l’humour est permanent. Il est ici « la politesse du désespoir », comme disait le réalisateur Chris Marker, entrelacé aux moments sombres, il est comme un radeau, un rayon de soleil auxquels se raccrochent les uns et les autres, à l’instar de ce que se passe dans le film anglais. Il est aussi fait de la cocasserie des situations, et c’est là que le film de Gilles Lellouche puise toute son originalité, en décrivant avec bienveillance des personnages un peu « barrés ». Celle qui fume et lit de la poésie à l’équipe qu’elle entraîne, celle qui insulte l’équipe comme un « mec », celui qui se gave de pilules, celui qui comprend son collègue qui parle un sabir incompréhensible de nous autres, celui qui a des rêves de grandeur et dont la vie est une fuite en avant financière… Et surtout, et surtout, le gardien de la piscine, auquel Philippe Katerine prête son physique et son jeu lunaires, faisant naître une poésie insoupçonnée.

Terminons en faisant chapeau bas aux comédiens, car le film réunit des personnalités très différentes, certaines connues pour leur fantaisie (Benoît Poelvoorde, Marina Foïs, Philippe Katerine) et d’autres plus classiques, qui s’en tirent parfaitement.

C’est un petit miracle d’équilibre auquel nous assistons, entre film « d’auteur » et film « populaire » (je n’aime pas opposer les deux, même si c’est souvent une réalité ; ici ils sont réconciliés et c’est très bien). Le film a fait énormément d’entrées et c’est une très bonne chose.

A aller voir

FB

Et en bonus, une vidéo de Philippe Katerine « Louxor, j’adore »