Attention, O.V.N.I ! Sorti tout droit de l’imagination de Wes Anderson, cinéaste américain à qui l’on doit notamment le magnifique « Moonrise Kingdom » en 2012 et plus près de nous « Le Grand Budapest Hôtel » (2013). Depuis, nous l’avions presque perdu de vue, il nous avait laissé orphelins de son monde cocasse et onirique. Il nous revient en grande forme avec ce film d’animation dystopique.
Japon, ville de Megasaki. Le maire Kobayashi, pour protéger la ville contre la possibilité d’une épidémie de grippe canine, décide d’envoyer tous les chiens sur une île voisine, qui reçoit déjà toutes les ordures de la ville, « L’île poubelle ». Quelque temps après, son neveu Atari se pose sur l’île pour retrouver son chien « Spots ». Il va être accompagné dans sa quête par une meute qui obéit à un chien vagabond, « Chief ».
Sur une trame finalement classique et très bien menée, histoire solide de révolte des faibles contre les puissants, le cinéaste greffe tout son monde empli de poésie enfantine. A l’instar de ce qu’il avait déjà fait dans « Moonrise kingdom », où il donnait la parole aux enfants, situant les parents dans un arrière-plan un peu effacé, il met ici en avant les chiens à qui il donne des personnalités et qu’il fait exister sur le même plan que les humains (ah, il faut voir leurs yeux…). Pour accentuer ce trait, le doublage est dévolu à des acteurs de premier plan, Edward Norton, Scarlett Johansson, Bill Murray, Liev Schreiber, Tilda Swinton et Jeff Goldblum (je vous invite d’ailleurs à regarder la courte vidéo que j’ai postée à la fin de cet article) ; notons qu’en France, Daniel Auteuil, Vincent Lindon, Louis Garrel, Mathieu Amalric et Léa Seydoux ont prêté leurs voix à ces chiens si « homomorphes ». Comme pour renforcer que ce sont eux les héros, face à ce Maire omnipuissant et à ses sbires.
Autre confusion, celle induite par le langage. Certaines parties sont en Japonais, sans traduction, d’autres sont traduites ; les chiens se comprennent entre eux, et c’est le jeune Atari qui se retrouve en minorité, incompris par ces chiens qui manient la langue avec les voix prêtées par les acteurs déjà nommés (mais comme c’est un enfant, les chiens le protègent, osmose étonnante des enfants et des animaux…). Tout cela crée un déséquilibre dans nos certitudes et renforce le côté « humain » des chiens.
Une émotion pure parcourt ce film (peut-être faut-il avoir gardé en soi des fragments d’enfance pour affirmer cela, comme c’est mon cas, je suis mauvais juge en la matière). Ces chiens, nous les aimons dès le premier regard et nous avons envie de les suivre, de les protéger, comme ils prennent soin du petit héros, Atari. Ils sont déroutants, passant de l’instinct matériel à quelque chose qui pourrait s’apparenter à de la philosophie, tout cela dans le même plan.
La réalisation est virtuose, utilisant la technique du « stop motion », des figurines animées par des techniciens, qui leur font prendre la pose image après image. C’est un travail de longue haleine que celui-ci, porté là à son summum (mais, pour le peu que nous connaissons Wes Anderson, nous le voyons mal céder aux sirènes de l’animation numérique, qui conviendrait mal à son imaginaire).
C’est enfin un hommage au Japon, dont nous verrons toutes les coutumes illustrées sous nos yeux, théâtre Nô, Sumos en lutte, musique, lutte, gastronomie (sushis), toutes choses qui nous transportent dans ce pays d’ailleurs. Nous sentons le cinéaste très proche et admiratif de cette culture, ce que nous n’aurions pas soupçonné avant.
J’ai absolument adoré ce film.
FB