Il est des jours où vous cherchez à écrire un article sur un livre (« L’ordre du jour », voir chronique récente sur ce blog) et où, en furetant sur le Net, vous tombez dans l’horreur pure…
Lorsque j’avais 10 ans, bien avant la fin de l’antagonisme Est/Ouest en Europe, j’ai fait avec mes parents un long voyage en voiture pour rencontrer des amis polonais à Varsovie. Et nous avons fait une halte à Auschwitz. Mon jeune frère et moi-même n’avons pas eu le droit de faire la visite du camp. Nous avons donc attendu nos parents dans une salle d’attente qui valait toutes les atrocités qu’ils ont sûrement découvertes à l’air libre : photographies de monceaux de lunettes, de valises, de chevelures découpées, savon ou abat-jour fait à base d’homme (je me souviendrai jusqu’à mon dernier jour de ce sein tendu sur cette lampe…). L’antichambre de l’insoutenable, insoutenable en elle-même ; cela m’a hantée longtemps.
Depuis, j’ai bien sûr eu l’occasion de frayer avec ce moment si sombre de l’histoire de l’Humanité, en classe (je me souviens d’une élève allemande qui s’est mise à pleurer pendant que notre professeur d’histoire nous expliquait les camps de concentration), au travers de films (« Nuit et brouillard » d’Alain Resnais sorti en 1956, « Shoah » de Claude Lanzmann, brutal et nécessaire, documentaire fleuve sorti en 1985 ou encore « Le fils de Saül » du Hongrois László Nemes, chronique sur ce blog) ou de livres (« L’écriture ou la vie » de Jorge Semprun, écrit en 1994, « Ma vie balagan » de Marceline Loridan-Ivens, paru en 2008 ou encore « Si c’est un homme » de Primo Lévi, 1958), livres fondateurs pour moi). Chaque fois, c’est un choc qui me décale tellement de ma vie que j’ai du mal à la réinvestir tranquillement (tout en conservant l’impact fiché dans ma chair d’humain, à chaque fois).
Hier soir, j’ai regardé cette vidéo, tournée par les libérateurs des camps, des Américains et des Anglais, qui ont découvert toute l’horreur de ces endroits morbides. Et j’ai pleuré tout le long… Pleuré sur la capacité de l’homme à faire tellement de mal à son prochain, pleuré sur l’incapacité des populations alentour à tenter quelque chose, pleuré sur notre difficulté à nous accepter les uns les autres au point d’en arriver à cette haine destructrice et implacable. Pleuré sur les images insoutenables de corps réduits à presque rien…
Nous sommes tous des humains, avec des pulsions de rejet qu’il faut savoir identifier pour les accepter ; pour les comprendre il faut de l’éducation de la pensée, ce qui nous permet de nous prémunir contre nos instincts premiers.
Dans notre monde qui tend à se refermer sur lui-même et à devenir amnésique, obnubilé par la recherche du bien-être (au point de préférer faire des campagnes pour sauver les animaux préférentiellement aux humains, je caricature à peine), je ne peux que recommander le visionnage de ce film, ontologique, véritable témoignage des atrocités que l’homme peut faire à l’homme. Attention, âmes sensibles, s’abstenir…
FB
Terrible.