Que voilà un film vraiment réussi !
Adapté du roman éponyme de Pierre Lemaitre (Prix Goncourt 2013), l’histoire nous emmène au coeur de la Première Guerre Mondiale et des quelques années qui suivent. Albert Maillard, soldat (Albert Dupontel), fait la connaissance dans les tranchées d’Edouard Péricourt, un jeune homme de bonne famille, artiste (Nahuel Perez Biscayart, remarqué, sinon plus, dans « 120 battements » cette année). Le 9 novembre 1918, alors que tout le monde attend la fin de la guerre, le lieutenant qui est à leur tête décide d’envoyer ses troupes dans un dernier assaut, contrevenant ainsi aux ordres qu’il vient de recevoir. En sauvant Albert lors de cette tuerie, Edouard va devenir une gueule cassée. Revenus à la vie civile, ces deux vont rester ensemble, l’un parce qu’il ne veut pas revoir son père, richissime industriel, l’autre parce qu’il veut veiller sur le premier. Ensemble, nantis de Louise, une jeune orpheline qui est la seule à comprendre ce que dit Edouard, ils vont monter une arnaque sur la construction des monuments aux morts.
Je ne raconterai pas plus cette histoire macabre et jouissive, faite d’interactions permanentes entre les quelques personnages de l’histoire : outre les deux héros, Pradelle (Laurent Lafitte), le lieutenant sadique, qui est devenu un homme d’affaires florissant grâce à un trafic sur les cercueils des morts de la Grande Guerre ; le père d’Edouard Marcel Péricourt (Niels Arestrup) et la soeur d’Edouard, la belle Madeleine (Emilie Dequenne) ; et Pauline, domestique dans l’hôtel particulier des Péricourt (Mélanie Thierry).
Albert Dupontel évite les clichés de la reconstitution historique, que nous avons vu se perdre dans tant de lourdeurs, comme si certains metteurs en scène croulaient sous le poids de tous ces décors et costumes qui ne sont pas de leur temps et finissaient par asphyxier leur art. Le réalisateur semble au contraire ici tellement à l’aise que cela en devient époustouflant de naturel.
Le rythme du film y est sûrement pour quelque chose. Rapide, enlevé, sur un tempo presque guilleret, il emporte les spectateurs du début à la fin sans ennui. Derrière tout cela se cache, bien sûr, un grand art de la mise en scène, qui fait que les plans s’enchaînent si naturellement.
De ce motif si noir – des personnes qui profitent d’un malheur national, Pradelle et les héros sont à la même enseigne sur ce point – l’auteur fait quelque chose de différent, soufflant le chaud et le froid sans cesse. Nous passons d’une bluette en forme de conte de fées pleine de merveilleux au cynisme le plus dense (il faut voir par exemple le dialogue entre Emilie Dequenne et Laurent Lafitte, un pur joyau), tout cela en un instant. C’est un vrai équilibre qu’Albert Dupontel a trouvé ici entre ces deux dimensions, qui se répondent l’une l’autre dans une belle harmonie.
Notons la poésie qui innerve le film, notamment au travers des masques oniriques que porte Edouard, comme pour se refaire une personnalité idéale.
Les personnages s’avèrent également – tous – plus complexes qu’au premier abord et sont interprétés par des comédiens à leur meilleur. Je ne saurai lequel distinguer, tellement ils sont excellents.
Fable sociale très originale, hésitant entre obscurité et lumière, c’est un des meilleurs films que j’ai pu voir récemment. Allez-y.
FB
Tu m’as donné envie. A voir donc…
Merci ! Tu m’as déjà donné envie de voir pas mal de films, alors je te rend la pareille.
C’est fait, j’ai bien aimé. 🙂
Tant mieux !
Pareil que Marcorele , bien que j’aime assez Albert Dupontel , je ne pensais pas aller voir celui ci , Rue2provence vous m’avez convaincu .
Oui oui il faut y aller. C’est le meilleur de cette semaine, pendant laquelle j’ai vu quatre bons films, « Blade runner 2049 », « Jeune femme », « Corps et âme » que je viens de chroniquer et celui-ci.