Encore un de ces magnifiques moments passés au Petit Palais (Paris) à découvrir un nouvel artiste oublié du XIXe siècle. Patiemment, cette institution renoue l’écheveau de l’histoire artistique de ce siècle proche de nous, dessinant année après année au gré des expositions, une cartographie des talents européens que nous avions oubliés. Il est d’ailleurs très étonnant de voir comment des personnages si connus dans leur époque (Anders Zorn s’est fait remarquer à l’Exposition Universelle de 1889 et a reçu la Légion d’Honneur ; c’était de plus un peintre très prisé en Angleterre, portraitiste considéré sur le même plan que William Sargent) disparaissent dans les trous noirs de l’Histoire…
Originaire de Suède, né en Dalécarlie, au centre du pays, c’est un grand voyageur ; Angleterre (où il vit de 1882 à 1887), France, Constantinople, Alger, Italie et Etats-Unis. Il y puise nombre de motifs qu’il retranscrit sur ses toiles ou dans ses gravures.
Dès l’âge de vingt ans, il se fait remarquer en Suède avec une aquarelle très originale « En deuil », où nous voyons une jeune femme au visage de Madone, jeter un regard de côté pensif et grave ; toute la maîtrise technique du jeune artiste s’exprime déjà, par exemple dans la finesse du voile qui cache une partie du visage.
« Les cousines », aquarelle peinte en 1882 en Espagne nous révèle encore davantage tout l’art de cet aquarelliste hors pair, qui arrive à joindre dans la même oeuvre réalisme et onirisme, excellant à rendre la complicité et la séduction de ces deux jeunes femmes.
Ce portrait de sa future femme, Emma Lamm, vue en contre-plongée nous donne un indice de plus sur l’artiste, l’audace avec laquelle il construit ses oeuvres (« Des châteaux en Espagne », 1885)
J’avoue un vrai faible pour l’aquarelle qui suit « Viktor Rydberg » (1886), portrait d’un journaliste, homme politique et écrivain suédois, où la couleur se transforme en grisaille, installant comme une nostalgie sereine.
Cette « Jeune bédouine » (1886), est en fait un « fake » (utilisons des mots de notre temps !), car il s’agit de l’épouse du peintre revêtue d’un costume traditionnel de Constantinople, l’artiste n’étant pas parvenu à faire poser des autochtones.
Le titre dit ici la majorité de l’oeuvre « Le clapotis des vagues » (1887), où nous voyons avec quel art le peintre rend l’eau et ses remous. On retrouve également ici sa capacité à capter les lumières dans toutes leurs déclinaisons.
Ce sont les mêmes caractéristiques que nous retrouvons dans l’oeuvre ci-dessous « Dans ma gondole » (1894), peinte à Venise.
Sur un sujet plus académique, l’affrontement du marbre et de la peau chaude et nacrée du modèle (et pour aller plus loin, la confrontation de l’humain à l’Histoire), fait naître une réelle beauté (« Dans l’atelier de Wickström » 1889).
Portrait non conventionnel d’enfants de la bourgeoisie, « Les filles de Ramon Subercaseaux » (1892) capte les jeunes modèles dans une grande liberté de mouvement.
Même chose pour « Les soeurs Salomon » (1888)
Cette très belle étude d’un corps féminin nimbé du blanc des draps (« Réveil, Boulevard de Clichy », 1892) est toute en délicatesse de nuances.
C’est également un formidable graveur, saisissant en stries nerveuses l’essentiel des contours des visages ou silhouettes et installant un noir et blanc parfois spectaculaire. Nous pourrions presque voir l’âme des protagonistes devant nous.

L’Irlandaise ou Annie (1894)

August Strindberg (1910)

Zorn et sa femme (1893)

La fumeuse (1894)
Une très belle découverte, donc, que j’espère vous avoir fait partager ici.
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