Cinémas : Richard BERRY : Tout, tout de suite (2015)

tout tout de suite

Voilà une oeuvre aussi noire que l’affiche ci-dessus. Et pour cause, puisqu’elle va nous conter cet horrible fait divers de 2006, au cours duquel un jeune Juif français, Ilan Halimi, a été enlevé puis torturé pendant trois semaines avant d’être découvert près des voies du RER, agonisant. Il mourra à l’hôpital peu après.

Cette affaire, dite (fort justement) du « Gang des barbares », mené par Youssef Fofana, français originaire de Côte d’Ivoire, a défrayé la chronique en son temps ; pour l’inhumanité des actes mais aussi pour la croyance que tous les Juifs sont riches, à l’origine du rapt, révélatrice d’un état d’esprit à la fois basique et revendicatif.

Richard Berry se saisit ici du sujet, d’une manière forte (attention, film vraiment dur) ; il adapte pour cela le roman de Morgan Sportès paru en 2011, auquel nous devons également un autre livre sur une histoire semblable en 1995, « L’appât« ,  mis à l’écran par Bertrand Tavernier et tout aussi insoutenable d’après moi, contant les deux assassinats commis par un trio, Valérie Subra, Laurent Hattab et Jean-Rémi Sarraud en 1984.

Il existe une forte similitude entre ces deux histoires, centrées sur des faits divers où des jeunes à la dérive commettent de sang froid des atrocités indicibles. Nous sont montrés ici des meurtres guidés par la satisfaction infantile de l’instinct matériel de richesse à tout prix et également par une fausse représentation du monde où les propriétaires de boutiques de téléphones portables, les avocats sont vus comme richissimes et capables de délivrer, cash, d’importantes sommes prêtes à satisfaire les criminels (rappelons que le meurtre de la première victime du trio de « L’appât » leur rapportera à peine plus de 1000 francs à l’époque, en 1984). Et cela fait froid dans le dos. La manière détachée avec laquelle ces personnes sont capables d’enlever la vie au terme de longues tortures, sans éprouver aucune compassion. Tellement centrés sur leur désir que plus rien d’autre n’a d’importance (je rapporte ici une anecdote éclairante : Valérie Subra, à l’issue de la garde à vue durant laquelle elle a tout avoué, demande innocemment si elle va pouvoir aller passer ses vacances en famille maintenant que tout est terminé…). Et ne les confondons pas avec ces tueurs en série souffrant de pathologie mentale lourde (d’ailleurs aucun ne sera interné en hôpital psychiatrique), il s’agit juste d’une déviance, d’une absence de contrôle qui conduit au débridement des instincts.

Le réalisateur, Richard Berry, nommé plus haut et qui avait joué dans le film de Bertrand Tavernier, met en scène cette histoire sans esbroufe et sans effet particulier. C’est juste un film efficace et je dirai courageux et engagé, car ce n’est pas le faits divers et le spectaculaire qu’il cherche à restituer, mais plutôt toute l’horreur de cet enchaînement de faits qui conduit à la souffrance et à la mort.

Peut-être manque t-il ici une analyse des raisons de ces actes ; nous restons dans l’action du début à la fin sans plus. J’aurais aimé par exemple en savoir plus sur le parcours des protagonistes, scolaire et familial, par exemple, car je pense que nous tenons ici une clé de lecture de ces actes si barbares.

Je ne sais pas si vous pourrez le voir, mais je recommande la vision de ce film.

FB