Quelque part au Québec. Louis (Gaspard Ulliel) revient visiter sa famille, qu’il n’a pas vu depuis douze ans, avec le projet de leur annoncer qu’il va mourir. Il va retrouver là sa mère Martine (Nathalie Baye), son grand frère Antoine (Vincent Cassel) et sa femme Catherine (Marion Cotillard) et sa jeune soeur Suzanne (Léa Seydoux), avec lesquels il va passer une journée.

Belle distribution !
Adapté d’une pièce écrite en 1990 par Jean-Luc Lagarce, auteur français disparu prématurément en 1990 des suites du sida, le film est un huis-clos statique, animé seulement des quelques déplacements des personnages d’une pièce à l’autre dans la maison familiale, créant ainsi une sensation d’étouffement encore accentuée par la canicule qui empèse tout.
Nous connaissons la longueur indolente des dimanches en famille, quand l’activité individuelle de chacun bascule dans l’oisiveté temporaire collective, avec l’impression d’un ennui solitaire au milieu des autres. Ici, cette idée est renforcée par la tension que l’auteur installe entre les protagonistes, de manière presque hystérique. Et nous comprenons mieux comment chacun développe une tactique de survie pour contrecarrer les autres, voire leur échapper. En se réfugiant dans sa chambre (Suzanne), en sortant faire un tour (Antoine), en ne disant rien (Louis, Catherine), ou en allant fumer en douce (Martine). Car ces personnages, dont nous sentons qu’ils se comportent presque de la même manière entre eux seuls, sont perturbés par le retour de ce fils prodigue, célèbre, qui questionne la position de chacun au sein de la famille. Et de discussion en échange, ils ne vont faire que se blesser les uns les autres.
De Xavier Dolan, je n’ai vu que « Mommy », excellent film autour de la relation difficile entre une mère et son fils. Ici, reprenant quelques uns des sujets de son film précédent (relation mère/fils), le cinéaste aurait pu faire peut-être un beau film, je ne sais, mais trop d’obstacles s’opposaient à cet accomplissement.
La pièce elle-même, en premier lieu, d’une forme maladroite (du moins si elle a été respectée à la lettre, ce qui semble être le cas), très théâtralisée, reposant sur des suites de monologues, ou de dialogues où presque personne n’écoute personne, crée une forme artificielle que le cinéaste et les acteurs ont du mal à surmonter. Pour s’en sortir et restituer quelque chose de vivant, l’auteur habille le tout dans une hystérie collective qui revêt autant les prolixes (la mère, la soeur, le frère aîné, qui éructent, crient, insultent) que les taiseux (Louis ne dit presque rien, image presque christique, accentuée par la lumière et les mouvements de caméra qui l’entourent et Catherine bégaye et parle pour ne rien dire par circonvolutions). Nous avons beau être face à des acteurs de grande envergure, cela ne passe pas (je donnerai quand même une mention particulière à Vincent Cassel, qui arrive à dériver le texte pour faire de son personnage quelque chose d’assez surprenant).
Et enfin, et enfin, ce qui me permet de m’appesantir autant sur la forme est qu’il n’y a presque pas de fond. Ce qui rend toute cette agitation caricaturale. Car quel est le sujet ici ? Peut-être pouvons nous être gré à Xavier Dolan de nous épargner le mélo où un être cher avoue sa mort prochaine ? Encore que, du coup le film perd toute son épaisseur, ramené à un déjeuner d’été en famille, où l’incommunicabilité banale ne suffit pas à animer ce que nous voyons.
Et j’avoue que, malgré la virtuosité de la mise en scène (n’enlevons pas cela à un cinéaste très doué dont nous espérons voir mieux bientôt), j’ai vite décroché, en me disant que finalement, mes dimanches d’enfants n’étaient pas si mal que cela 😉
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