Théâtre – Jules VERNE (d’après) : 20 000 lieues sous les mers (1869)

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Quand j’étais adolescente, nous séjournions parfois dans la maison de mes grands-parents, où se trouvait, à l’étage du haut, une bibliothèque remplie des ouvrages de Jules Verne. C’est là que je me suis mise à dévorer cette oeuvre (normalement réservée aux garçons, comme Jack London, dans notre dichotomie culturelle de genre), emplie d’aventures improbables, menées par des héros (ou héroïnes) n’ayant pas froid aux yeux, tout cela sur fond de science, qui semblait parfois de la fiction, mais qui s’est avérée avec le temps (1).

J’avais vu l’an dernier une adaptation remarquable du « Tour du monde en 80 jours » au Splendid, extrêmement drôle et enlevée, portée par cinq comédiens qui se grimaient et se déguisaient au fur et à mesure pour représenter les différents personnages. Et j’avais été frappée par les immenses possibilités d’adaptation théâtrale offertes par ces romans, avec leur rythme, leur monde imaginaire et leurs protagonistes assez simplistes sur le plan psychologique parce que toujours dans l’action.

Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de se plonger dans cette oeuvre foisonnante, je rappellerai en quelques mots l’intrigue de ce roman.

En 1866, une bête monstrueuse terrorise les marins. Le navire américain « Abraham Lincoln », avec à son bord le professeur Pierre Arronnax et son domestique, Conseil, sombre après s’être affronté au monstre. Ils se réveillent tous les deux ainsi que Ned Land, harponneur canadien, dans un endroit étrange. Ils apprendront peu après qu’ils sont dans un sous-marin piloté par le Capitaine Nemo. Ils vont faire route avec lui, bon gré mal gré, l’accompagnant dans ses aventures autour du globe.

Autour de ce roman, transformé en scénario de théâtre, Valérie Lesort et Christian Hecq, appuyés par Eric Ruff (que j’ai croisé lors de cette représentation !) pour la scénographie et les costumes, imaginent un spectacle mêlant jeu des comédiens et marionnettes de créatures aquatiques. Nous resterons du début à la fin dans le même décor, magnifiquement éclairé, à droite ce que nous pensons être la salle des machines, à gauche la bibliothèque (aux 13 000 volumes, nous dit le Capitaine Nemo) et au centre un canapé devant un hublot où nous assisterons au ballet des créatures marines animées par les marionnettistes.

Et c’est superbe ! S’appuyant sur le rythme intrinsèque au livre, cinétique toujours en mouvement vers la découverte d’autre chose, sur l’émerveillement enfantin qu’il véhicule dans l’ambition de Jules Verne à créer des mondes nouveaux et fantastiques, l’adaptation à laquelle nous sommes conviés est éblouissante. En plus de nous restituer cette formidable aventure dans les dimensions citées ci-dessus, elle insère une poésie incroyable au travers des marionnettes « poissons-et-autres-créatures-marines », dont nous pouvons contempler le loufoque ballet au travers du hublot. Notons d’ailleurs que tout cela est très drôle.

C’est comme une réminiscence des « machineries » merveilleuses qui avaient cours sous l’Ancien Régime, à Versailles par exemple, lors des représentations des ballets de Lully. C’est également un hommage intrinsèque à Jules Verne et à sa fascination pour le monde scientifique et toutes les innovations qu’il peut apporter.

Les acteurs, comme à l’accoutumée excellents, nous révèlent ici un autre de leurs talents, celui de « manipulateurs de marionnettes », exercice auquel ils se prêtent tous, montrant encore une fois l’accomplissement de cette troupe du Français, capable de bien des choses. Merci à Eric Ruf, actuel Administrateur général, de nous le faire découvrir.

C’est un très beau spectacle, pour les adultes, mais aussi pour les enfants (ils ont beaucoup ri, oh la beauté d’un rire enfantin !).

Je ne peux donc que recommander.

FB

(1)  Je vous invite à lire le stupéfiant « Paris au XXe siècle », écrit en 1860, et qui se projette dans la capitale en 1960.